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la conservation des bois, mais c’est le système des asséchemens qu’il faut y appliquer. Nous l’avons vu : le taret, ou ver de mer, ne résiste que peu de temps à un mélange, d’eau douce et d’eau salée, eh bien ! le contact de l’atmosphère lui est encore plus funeste ; il meurt à l’air libre en moins de deux fois vingt-quatre heures. De là un nouveau procédé de conservation par l’immersion et l’asséchement alternatifs des bois. On pourrait ainsi à peu de frais avoir à Lorient des dépôts pour 60,000 stères de bois de chêne et 2,000 pièces de mâture.

Bien que les dangers de la rade aient à peu près disparu pour la marine nouvelle, le voisinage de Brest commande toujours aux destinées de Lorient, et la pensée de 1840 a bien suivi la nature même de choses en y fondant un arsenal à vapeur du second ordre. La dépense s’est élevée à 1,637,000 francs, et l’on peut y produire chaque année une force de 700 chevaux, soit deux corvettes de 350. Que faut-il ajouter ? Une cale de halage, des parcs à charbon, quelques appendices aux forges, aux ateliers, et cet arsenal sera complet dans sa mesure. Dirons-nous qu’il manque quelque chose à la défense de la rade ? Loin de nous l’idée d’en révéler les points faibles ; mais nous prions qu’on daigne considérer qu’il y a là une propriété nationale de 60 millions de francs, la septième partie environ de notre matériel naval, que les feux croisés de nos batteries ne garantissent peut-être pas assez contre les nouveaux moyens dont l’attaque dispose.

À quarante lieues au-dessous de Lorient, la Charente, dans la partie inférieure de son cours, s’est ouvert, au sein de profondes terres d’alluvion, un sillon assez creux pour que les vaisseaux de premier rang puissent venir s’y abriter. Au bord de ce bassin naturel, à sept lieues du rivage de la mer, on a fondé un nouvel auxiliaire du grand arsenal de Brest, Rochefort. L’œil y voit avec ravissement s’élever au milieu des prairies des cales de construction surmontées de glorieux vaisseaux ; on aime à suivre les grandes voiles qui glissent à travers les roseaux de la rive. Situé au fond du golfe de Gascogne, à distance égale de Nantes et de Bordeaux, dont il doit couvrir et protéger le commerce, Rochefort, excellent point de refuge pour les vaisseaux affalés sur cette côte trop souvent balayée par les vents furieux de l’ouest, ne peut avoir dans la guerre offensive l’importance de Brest : il ne menace que l’Espagne, et c’était beaucoup aux yeux de son fondateur, Louis XIV ; mais quel puissant pivot d’opérations pour une flotte dans la guerre défensive à qui saurait s’en servir ! Jusqu’ici pourtant sa rade ouverte à toutes les attaques, réveille encore dans notre marine que de désastreux souvenirs. On n’y entre jamais sans interroger les lieux où allèrent s’échouer et se brûler les vaisseaux du contre-amiral Allemand.

À l’égard de Brest, Rochefort n’est qu’un port d’armement secondaire ;