Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 10.djvu/408

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sur une baie intérieure, vaste bassin qu’on appelle la rade, où mille vaisseaux tiendraient à l’ancre[1]. À gauche, dans une crique de cette baie, un étroit bras de mer s’enfonce à plus d’une demi-lieue à travers une coupure profonde des montagnes et rejoint la petite rivière de la Penfeld : c’est le port. Qui le croirait ? cette rade si vaste n’offre pas une sûreté suffisante pour les bâtimens au mouillage ; les communications avec la terre y sont difficiles, souvent dangereuses. Il faut oser le dire : l’arsenal de Brest est mal posé ; ses fondateurs, s’ils eussent pu prévoir sa future grandeur, auraient été mieux inspirés en choisissant pour l’emplacement du port la rivière de Châteaulin. Plus vaste, plus profonde, précédée d’une rade excellente et d’un avant-port meilleur encore entourée de terrains commodes où toutes les dépendances de l’arsenal trouvaient naturellement place, cette rivière offrait des avantages qu’on ne retrouve pas dans la Penfeld, étroite comme une gorge de torrent, et dont il faut excaver les rives abruptes pour y placer les édifices de la marine.

À Brest cependant, nous sommes bien dans le premier arsenal maritime de la France. Là, d’un regard ; l’œil peut embrasser la création du vaisseau de guerre, — voir placer sur chantier la première pièce de quille, — puis la coque s’élever, semblable à la carcasse d’un monstre marin, descendre ensuite majestueusement à la mer, — bientôt, les flancs chargés d’artillerie, recevoir son équipage, tout son armement, et, balançant dans les airs la flèche de ses mâts, faire voile vers les plus lointains rivages. Et ce n’est pas un seul bâtiment, c’est une flotte entière qu’on peut tenir ainsi prête à Brest. Un arsenal maritime n’est autre chose qu’une usine à fabriquer des navires de guerre. Construire, réparer, conserver, armer des bâtimens au meilleur marché et le mieux possible, telle est sa fonction. Chantiers et cales de construction et de halage, bassins de carénage et de radoub, réserve pour les vaisseaux, quais de chargement et de déchargement, forges, machines, magasins de bois, de subsistances, d’armes, de munitions de guerre, d’approvisionnemens de toute sorte, casernes pour les marins, en un mot tout ce qui peut concourir à la vie du vaisseau, cet être collectif, premier élément de la marine, — voilà l’abrégé de l’arsenal maritime.

Les deux rives de la Penfeld, sont bordées de quais où s’amarrent les bâtimens, soit désarmés et au repos, soit en armement et se préparant pour la mer. L’espace ne manque pas ; s’ils étaient trop entassés

  1. Il ne faut pas moins d’une encablure, soit 200 mètres, d’intervalle entre les vaisseaux au mouillage ; dans une lieue marine carrée, on ne peut donc loger que 700 vaisseaux. On a calculé que, dans un port fermé, il faut à chaque vaisseau, pour qu’il puisse se mouvoir en liberté et qu’on circule aisément alentour, un espace d’environ un hectare. Les frégates à vapeur, à cause de leur grande longueur ; exigent le même espace. Nous rappellerons, pour fixer les idées, que la superficie du port de Marseille est de 20 hectares.