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sommation. Tout va bien dans les périodes de sécurité et de travail, car alors la masse des dépôts s’accroît par moissons régulières, et les fonds que retirent les déposans sont remplacés par de nouveaux dépôts ; mais aussitôt que l’activité industrielle se ralentit ou que l’ordre public est troublé, les porteurs de livrets, pressés par le besoin ou stimulés par l’effroi, accourent redemander leurs épargnes. Il faut dans ce cas que le trésor s’exécute et qu’il épuise ses réserves pour les satisfaire, ou qu’il déclare lui-même son impuissance, et que, par un procédé révolutionnaire, il suspende ses paiemens. Ces éventualités redoutables sont le plus grand péril en matière de finances auquel un gouvernement puisse se trouver exposé.

Sous-la monarchie de juillet, la disponibilité du capital concourant avec l’intérêt élevé que le trésor accordait aux caisses d’épargne à faire préférer ce placement aux fonds publics, on vit s’élever en 1844 l’accumulation des dépôts à 392 millions. La dette de l’état envers les déposans était encore de 355 millions le 24 février 1848. Le trésor n’ayant pas pu rembourser une somme aussi considérable, il a fallu donner des rentes et se résigner, pour être équitable, à une perte de 140 millions, c’est-à-dire à payer en réalité 495 millions, ou 40 pour 100 au-delà de ce qu’on avait reçu.

Nous avons à tirer une leçon de cette catastrophe. Si l’on ne prend aucune mesure pour arrêter le progrès menaçant encore une fois des comptes courans ouverts par le trésor aux caisses d’épargne, en moins de quatre années, L’accumulation des dépôts incessamment exigibles dépassera bientôt 200 millions. Les épargnes du peuple, pompées sans nécessité par l’état cesseront d’alimenter et d’accroître la production. Le pays sera privé d’une féconde rosée, en même temps que le trésor sera surchargé de richesses sans emploi, ou poussé par l’abondance des capitaux à des dépenses de luxe.

M. Delessert, reprenant les conclusions de la commission nommée en 1850, propose : 1° de réduire le maximum du compte de chaque déposant en capital à 1,000 francs au lieu, de 1,500 francs, et, avec l’accumulation des intérêts, à, 1,250 francs au lieu de 2,000 francs ; 2° de ne bénéficier, à partir du 1er janvier 1852, sur les capitaux versés aux caisses d’épargne, qu’un intérêt de 4 et demi pour 100 au lieu de 5. Cette proposition, acceptée en principe par le ministre des finances, a été renvoyée à la commission du budget. Il reste, pour la rendre plus complète et plus efficace, à décider que l’abaissement du taux de l’intérêt descendra à 4 et demi pour 100 à partir du 1er juillet 1851, et à 4 pour 100 à partir du 1er janvier 1852. La loi du 22 juin 1845 donne aux déposans la faculté d’acheter sans frais, par l’intermédiaire des caisses des rentes sur l’état jusqu’à concurrence des sommes déposées. Ce qui prouve qu’ils connaissent le prix du placement qui leur est offert pour l’accumulation de leurs économies partielles, c’est que