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l’Allemagne du nord au milieu des nouveaux conflits que fera renaître un jour ou l’autre cette périlleuse question de l’unité. Pour ce qui considère la situation inquiète de l’Allemagne et le caractère aventureux de Frédéric-Guillaume IV, toutes ces conjectures sont permises ; malgré les craintes qu’inspire l’audace de M. de Schwarzenberg, malgré l’opposition circonspecte et tenace de M. de Manteuffel, un jour, peut venir où Frédéric-Guillaume IV rappellera son ami, où Dieu, dans, sa grace rapprochera leurs chemins. Quant à l’issue de cette tentative, il est difficile de garder encore quelques illusions. Par la hauteur sereine de son christianisme, par la bienveillante sagacité de ses travaux de controverse ; par son talent d’orateur, l’austère dignité de sa vie et son chevaleresque dévouement, M. de Radowitz tiendra toujours une place éminente parmi les hommes politiques de l’Allemagne ; mais ses écrits et ses actes surtout disent assez- haut combien le noble ami de Frédéric-Guillaume à besoin de se renouveler, de se compléter lui-même, s’il veut employer efficacement pour son pays l’élévation de son intelligence et l’ardeur de son patriotisme.

Cette solennelle : épreuve sera-t-elle comprise par le gouvernement prussien ? L’Autriche, de son côté, n’abusera-t-elle pas d’une victoire facilement obtenue ? L’exemple de M. de Radowitz ne doit pas profiter seulement aux partis qui, en Prusse et hors de Prusse, s’associaient à ses ardens désirs ; parmi les hommes d’état de l’Allemagne ; ceux qui souhaitent pour leur patrie particulière un accroissement d’influence que le droit ne justifierait pas sont tenus de s’appliquer à eux-mêmes cette éclatante leçon. Il faut le dire surtout aux vainqueurs : tout à réussi selon leur voeux, tout a plié devant leur audace tant qu’ils ont eu affaire à des tentatives d’usurpation services par une intelligence plus brillante que forte ; qu’ils prennent garde de vouloir usurper à leur tour, et, malgré la netteté de leur esprit, de se fourvoyer dans les chimères. Il y a deux illusions qui peuvent séduire également l’Autriche et la Prusse et les jeter dans les folles aventures : en Prusse, c’est la tradition d’un patriotisme hautain qui se croit appelé, depuis Frédéric-le-Grand, au gouvernement de l’Allemagne entière ; en Autriche, ce sont les souvenirs du vieil empire germanique souvenirs qui, réveillés peu à peu par les fautes mêmes de la Prusse, semblent pousser aujourd’hui le cabinet de Vienne à des entreprises exorbitantes. Il est certain que, sans les ambitieuses fantaisies de Frédéric-Guillaume IV et de M. de Radowitz, l’Autriche n’eût jamais songé à faire entrer dans la confédération germanique toutes les provinces étrangères qui composent son empire. Or, répondre ainsi aux prétentions des doctrinaires de Berlin ; ce n’est pas mettre à profit la fortune, c’est compromettre au contraire une légitime victoire et perdre l’immense avantage d’une position nette. Les chimères du sud ne valent