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Radowitz. Séparé de ces hommes résolus sur presque toutes les questions politiques, il s’associait de plus en plus aux fantaisies de leur orgueil national. Il les avait souvent combattus à Francfort ; à Erfurt, il demandait leur alliance et s’efforçait de leur donner des gages. On aurait dit que M. de Radowitz, par la hardiesse de ses discours, voulait engager irrévocablement la cour de Potsdam et lui rendre la retraite impossible. Il n’y réussit pas l’attitude de l’Autriche, les conseils de M. de Manteuffel, les remontrances de tous ceux qui entrevoyaient plus clairement chaque jour des péripéties menaçantes, commençaient à ébranler fortement l’imagination de Frédéric-Guillaume IV. Ces indécisions de la pensée royale se traduisaient en ordres, en contre-ordres, auxquels M. de Radowitz obéissait avec une loyauté aveugle. Bien habile qui pourrait suivre dans ses fluctuations de toutes les heures la conduite du commissaire prussien à Erfurt ! sans cesse un nouveau discours venait effacer l’impression du discours précédent, sans cesse le lendemain défaisait l’œuvre de la veille : Jamais, je crois, le dévouement d’un sujet n’a été mis à pareille épreuve. Attaqué de toutes parts, environné de défiances trop justifiées, en butte aux injures ou au dédain de l’Allemagne entière, M. de Radowitz, dans cette pitoyable campagne d’Erfurt, nous apparaît vraiment comme la victime d’une pensée fausse opiniâtrement suivie à travers mille contradictions, ou comme le martyr de la fidélité chevaleresque.

M. de Radowitz s’obstina dans ce rôle avec une impassibilité singulière. Ce triste parlement d’Erfurt avait à peine duré six semaines ; le 29 avril, sa session était close, et, à en juger par l’attitude des autorités, il était fort douteux qu’il dût se réunir une seconde fois. Le gouvernement prussien ne voulait ni abandonner ni poursuivre ses projets ; en face de l’Autriche irritée, au milieu des négociations qu’exigeaient les énergiques démarches du prince de Schwarzenberg, il était dangereux d’avoir une tribune à Erfurt, une tribune où parlaient des hommes tels que M. Camphausen et M. de Vincke. M. de Radowitz avait donc été chargé de fermer brusquement cette diète instituée par lui avec tant de fracas et inaugurée un mois auparavant par de si bruyans discours. Faire et défaire, exciter les passions et les abandonner à elles-mêmes, c’était le rôle que lui imposait son maître. Quelques jours après, le collége des princes se réunissait à Berlin. On avait espéré que cette convocation suffirait pour sauver l’honneur de l’union restreinte et dissimuler ses alarmes. C’était reculer cependant, et l’Autriche avançait toujours. Dès le 26 avril, au moment où les débats du parlement d’Erfurt mettaient en pleine lumière l’impuissance de la politique prussienne, M. le prince de Schwarzenberg avec cette décision qui est sa force, adressait un appel à tous les états allemands afin de reconstituer la diète de 1815. Le coup était hardi, et une lutte décisive