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des embarras de la monarchie autrichienne lui sembla, ou un calcul coupable, ou un défi audacieux ; il déjoua le calcul et releva le défi avec colère. À chaque note du cabinet de Berlin, il ripostait par un ultimatum ; à chaque démarche de M. de Radowitz, il opposait, non la menace, mais l’action. Entre de tels adversaires, l’issue du débat n’était pas difficile à prévoir. Ici, un politique illumine, un constructeur de plans merveilleux et de cités idéales ; là, l’esprit le plus net servi par une volonté impérieuse : l’Allemagne pouvait-elle hésiter Iong-temps ? C’est le 26 mai 1849 que le traité avait été conclu entre la Prusse, le Hanovre et la Saxe ; quatre mois après, le 5 octobre, les plénipotentiaires de la Saxe et du Hanovre s’opposaient à la convocation de la diète de l’empire instituée par le traité du 26 mai ; enfin, le 8 décembre, la Saxe adhérait aux protestations de l’Autriche contre cette diète, et, le 30 même mois, le Hanovre retirait son alliance à la Prusse. L’avertissement était clair ; le cabinet de Berlin ne voulut pas le comprendre. M. de Radowitz en qualité de commissaire royal, expliquait et glorifiait devant les chambres la formation de l’état fédératif ; enivré des acclamations, enivré surtout de son propre enthousiasme, il marchait toujours sans se demander si l’Allemagne allait le suivre ; il s’avançait au hasard dans les voies de l’inconnu, et convoquait à Erfurt les députés de l’empire.


III

On avait vu, en pleine révolution, aux mois de mars et d’avril 1848, tout un peuple enthousiaste envoyer des députés à la première assemblée nationale de l’empire d’Allemagne. Où était cet empire ? où étaient ses finances, son armée, son chef ? Le sénat de l’empire siégeait à Francfort, mais l’empire n’existait que dans le monde des rêves. Deux ans après, la révolution étant vaincue, le même spectacle fut donné à l’Europe. Ce n’étaient plus les ardentes illusions de la foule, c’étaient les combinaisons des diplomates. Et des hommes d’état qui construisaient cette Germanie imaginaire. La différence fut bien visible dans l’élection des députés. Aux espérances passionnées du peuple avait succédé la froide et prétentieuse utopie des rêveurs. L’Allemagne s’en émut médiocrement. Une douzaine de petits états avaient adhéré à l’union restreinte ; les plus considérables étaient la Hesse électorale et le grand-duché de Bade. Presque partout, l’élection se fit sans empressement ; c’est à peine, dit-on, si le cinquième des électeurs prit part au vote. Enfin, le 20 mars 1850, un mouvement inaccoutumé dans les paisibles rues d’Erfurt ; le bruit des cloches et le service divin, célébré avec pompe dans les églises des deux confessions, annoncèrent l’ouverture du parlement. Une certaine affluence, des regards étonnés, des groupes