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lendemain 2 mars, M. de Radowitz partit pour Vienne. L’effroi causé par les nouvelles de Paris aplanissait devant ses pas bien des difficultés. Convenait-il à l’Autriche de résister trop ouvertement aux désirs de la prose, quand un même danger les unissait toutes deux, quand leur cause était la même en face de la démagogie soulevée ? Soit soumission sincère à la nécessité, soit politique et ruse, le gouvernement autrichien promit tout ce que lui demanda M. de Radowitz dans son memorandum du 5 mars 1848. Il fut convenu qu’un congrès se réunirait à Dresde. Des princes, des ministres, de hauts dignitaires de l’Autriche et de la Prusse devaient s’y rencontrer, et là, sans être gênés par des instructions trop spéciales, ils tâcheraient de s’entendre sur les principes. Ces principes une fois arrêtés à Dresde, la diète serait chargée de les formuler en articles de lois, et on lui adjoindrait pour ce travail des hommes de confiance (Vertrauenssmänner) délégués à cet effet par tous les états de la confédération.

M. de Radowitz avait beau se presser, les événemens marchaient plus vite que lui. La chute de M. de Metternich, après la révolution du 13 mars, avait préparé de sûrs avantages au négociateur ; mais de nouvelles secousses allaient bientôt lui faire perdre tout ce qu’il croyait gagné. Le 15 mars, M. de Radowitz obtenait les concessions les plus larges : l’Autriche consentait à laisser instituer auprès de la diète une chambre d’états (Staatenhaus), dont les membres seraient nommés par les députés eux-mêmes dans tous les pays constitutionnels de l’Allemagne. Il était impossible de souhaiter une plus complète réforme, et l’on voit que M. de Radowitz, dans son impatient désir de régénérer la diète, n’hésitait pas à sacrifier tous ses préjugés féodaux. Quelques heures après ce triomphe, on apprenait à Vienne la révolution de Berlin. Cette constitution qu’une volonté irrésolue, n’avait fait que promettre et refuser depuis huit ans, le peuple, dans la journée du 18 mars, venait de la conquérir sur les barricades. Humilié un instant devant l’émeute victorieuse, Frédéric-Guillaume IV s’était relevé avec orgueil en réveillant à propos les ambitions du teutonisme. « Je serai le roi allemand ! » s’écriait-il en haranguant le peuple. « Les grands événemens de Vienne ont rendu nos projets faciles, » écrivait-il dans sa proclamation du 18 mars, et ces audacieuses promesses, qui enflammaient si bien la vanité prussienne, avaient détourné la tempête. Il y eut là comme un mystérieux dialogue entre la royauté et la révolution : — Came-toi, disait l’une, afin que je puisse travailler hardiment à nos grandes destinées nationales. — Oui, -répondait la révolution séduite, j’apaiserai mes flots furieux, si tu donnes à la Prusse la couronne de l’empire d’Allemagne. Un esprit aussi vif que celui de M. de Radowitz ne dut-il pas être frappé de cette scène étrange ? Son émotion, je n’en doute pas, fut douloureusement compliquée. Quel parti prendre ? Quels