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définitive. Elle demandait aussi que chaque état fût libre d’abolir la censure, et de substituer au système préventif la répression des délits. Ce n’était pas seulement une question spéciale qu’elle traitait ici ; elle désirait par là réveiller la diète, l’accoutumer peu à peu aux innovations prudentes, et détruire dans l’esprit des peuples allemands cette opinion si répandue, qu’il n’y avait rien à espérer, rien à attendre de la haute magistrature fédérale. Une autre proposition faite vers le même temps indiquait bien l’intention des réformateurs de la diète : le Wurtemberg émit le vœu que le protocole des séances du conseil fût rendu public, et la Prusse s’associa énergiquement à cette demande. Une fois la diète enlevée aux ténèbres du huit-clos et mise en rapport avec l’opinion du pays, on devait naturellement croire qu’elle serait moins hostile au progrès, qu’elle comprendrait et invoquerait peut-être elle-même sur bien des points des transformations nécessaires. Les adversaires de la Prusse parvinrent si bien à traîner les choses en longueur, qu’un an après la présentation des deux projets, au mois d’août 1847, la décision avait été sans cesse ajournée. C’était le moment où la diète entrait en vacances ; lorsqu’elle dut reprendre ses travaux, le représentant de l’Autriche par une absence prolongée à dessein, réussit encore à écarter des propositions si gênantes. Frédéric-Guillaume IV fut piqué au jeu ; son impatience ne connut plus de bornes ; bien décidé à obtenir une réponse par des négociations plus directes, il rappela brusquement M. de Radowitz à Berlin, et le chargea de rédiger un mémoire, une sorte d’ultimatum sur la future organisation de l’autorité centrale. Le 20 novembre 1847, M. de Radowitz présentait ce mémoire au roi, et le 21 il partait pour Vienne avec des pouvoirs illimités.

Le moment était mal choisi pour une affaire de cette nature. Les derniers mois qui précédèrent la révolution de 1848 furent remplis, on le sait, par les préoccupations les plus graves. Les troubles de la Suisse, les imprudences du Sonderbund, les menaçantes fureurs du parti révolutionnaire attiraient toute l’attention des cabinets européens ; la France, l’Autriche et la Prusse, sans parler de la Russie étaient décidées à dompter la démagogie des cantons. L’Angleterre seule, qui, sous l’influence funeste de lord Palmerston, semblait favoriser partout la politique du désordre ; prenait dans cette question, comme en Espagne, en Italie et en Grèce, une attitude inquiétante, et tenait en échec les cabinets de Vienne et de Paris. C’est au milieu de ces complications que M. de Radowitz arriva à Vienne ; on venait d’apprendre déjà la prise de Lucerne et la capitulation de Fribourg ; la déroute du Sonderbund était inévitable. Les puissances allemandes sentirent la nécessité de s’entendre d’une manière plus étroite encore avec la France ; M. de Radowitz, sur l’ordre de son gouvernement, quitta