Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 10.djvu/279

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sur la défensive Les Arabes qu’on attaque sont à moitié vaincus ; mais, tant qu’on leur a laissé l’offensive ; on avait beau les repousser, ils revenaient toujours à la charge, et la guerre devenait interminable.

Ce n’était pas tout cependant que de trouver le meilleur système de guerre en Algérie ; bien d’autres l’avaient proclamé, au temps même où le maréchal prônait l’occupation restreinte et par conséquent la guerre défensive : ce qui importait surtout, c’était le moyen de rendre l’offensive efficace, en la portant partout à la fois, en attaquant les indigènes en tout lieu et en toute occasion. La colonne mobile fut organisée. Ce n’était pas tout encore : il fallait qu’il n’y eût pas de position si inexpugnable dans les montagnes où le Kabyle pût se mettre à l’abri de notre attaque ; il fallait qu’il n’y eût pas de retraite si lointaine dans le désert où l’Arabe vagabond, qui parcourt jusqu’à soixante lieues en vingt-quatre heures, pût se mettre à l’abri de notre poursuite. Si les cavaliers ne pouvaient suivre la colonne mobile dans les montagnes, si les fantassins ne pouvaient suivre la cavalerie dans le désert, rien n’était fait. Il fallut donc que les cavaliers galopassent, le sabre au poing, sur des crêtes de rochers où des piétons ordinaires auraient à peine osé marcher ; il fallut que les fantassins fussent équipés de telle sorte qu’ils pussent, par une marche continue à travers le désert, regagner les avantages de vitesse qu’avaient pris sur eux les cavaliers arabes. Le train des équipages devenait ainsi l’objet le plus important de ce système militaire. L’offensive aurait pu nous devenir funeste dans cette guerre où l’ennemi commandait toujours les positions de la bataille, si l’artillerie n’avait pu, en toute occasion, venir en aide à la colonne mobile. Il fallut créer une batterie portative qu’on pût établir sur les pitons les plus escarpés, qu’on pût faire suivre dans les courses les plus rapides du Sahara. L’obusier de 12 devint maniable comme un fusil de rempart. Il forma le chargement d’un mulet de même pour son affût. Vingt cinq mulets furent suffisans au service de chaque pièce, approvisionnée à cent coups, avec une réserve de trente mille cartouches. Les perfectionnemens obtenus dans l’artillerie de montagne ne sont rien encore en comparaison des progrès de la mousqueterie. La carabine à tige, dite carabine Delvigne dont se servent les tirailleurs de Vincennes, amènera inévitablement, par sa portée et sa justesse, une véritable révolution dans l’emploi des armes de guerre. La carabine à tige porte aussi loin que le canon, et là où le gros tube peut à peine atteindre une masse, le petit tube atteint un objet déterminé. Je laisse à supposer ce que nos soldats, habitués par la guerre de Kabylie à marcher l’arme au bras sous le feu de l’ennemi, pourraient faire contre une redoute européenne, sous la protection d’une pareille mousqueterie.

La guerre d’Afrique a développé jusqu’au miracle toutes les qualités