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encore que le fanatisme, qui avait rendu tributaires d’Abd-el-Kader toutes les tribus qui habitent les deux versans de l’Atlas, c’est-à-dire toutes les tribus qui étaient précisément exposées à être envahies par nous, Abd-el-Kader avait même exigé que chacune d’elles lui fournit son contingent de réguliers pour le retour prévu des hostilités. Dans le même temps que ses marabouts prêchaient la guerre sainte sur tous les points de l’Algérie, ses lieutenans y levaient les recrues et les organisaient pour l’attaque et la ’défense. Lui même, qui, sous une indolence apparente, cachait une activité infatigable, parcourait incessamment les tribus pour faire l’inspection de leurs forces, réveiller leur fanatisme et leur haine, distribuer les promesses et les menaces, donner ses instructions et veiller aux enrôlemens. Son génie plein de séduction lui faisait parmi les chefs plus de partisans encore que le fanatisme. C’est même parmi les tribus des montagnes, sur lesquelles il avait moins de prise, qu’il a trouvé ses lieutenans les plus dévoués. C’est ainsi que Bou Madedi, son khalifat d’Oran, lui recrute douze mille réguliers dans les monts Traras ; que Sidi-Embareck lui gagne les Kabyles de l’Ouérenséris ; que El-Berkani entraîne les belliqueuse populations qui vivent sur les montagnes autour de Milianah, de Médéah et de Cherchell ; que Ben-Salem, son khalifat du Sebaou, lui ménage des intelligences et, depuis les vallées du Hamza et de la Medjana jusqu’au cœur de la Grande-Kabylie.

Lorsque le duc d’Orléans passa les Portes de Fer en 1839, tout paraissait tranquille, et la paix nous semblait pour long-temps assurée. Tout à coup Abd-el-Kader écrivit au maréchal Vallée qu’il eût incontinent à se préparer à la guerre, et aussitôt l’insurrection gagna toutes les tribus, depuis Oran jusqu’à Bône, avec la rapidité de l’incendie. Il nous fallut en même temps nous défendre dans la province de Constantine, contre le propre frère d’Abd-el-Kader, aidé par Ben-Salem, et contre le bey Ahmet, qui revenait du désert, trouvant l’occasion favorable ; — dans la Mitidja, contre l’émir en personne, ameutant contre nous, du haut des Mouzaïas, toutes les tribus ; qu’il lâchait sur la plaine, les Hadjoutes d’un côté, les Beni-Salah de l’antre, puis les Soumatas, les Mouzaïas, les Beni-Messaoud, les Beni-Moussa ; — dans les plaines d’Oran et de Mostaganem, contre vingt mille fanatiques venus de derrière les lacs, ou sorti des forêt de Muley-Ibrahim, et qui se faisaient mitrailler jusque dans les fossés de nos remparts. Cette grande levée de boucliers, qui eut lieu vers la fin de 1839, nécessita l’envoi de nouveaux renforts dans l’Algérie ; En attendant l’arrivée de ces renforts, en attendant surtout l’intervention du maréchal Bugeaud, il est bon de montrer ce que firent nos troupes en présence des adversaires qui s’étaient levés et armés contre elles d’un bout à l’autre de nos possessions.

La province de Constantine, qui échappait à l’action d’Abd-el-Kader,