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cafés exportés, par une première surtaxe de 8 pour 100, et ce n’est pas tout. Le gouvernement s’est réservé de payer ce cinquième qu’il accapare à 40 pour 100 au-dessous du cours en bons de douanes qu’il consent à recevoir pour paiement des droits d’exportation dus sur les quatre cinquièmes restans ; mais, comme le négociant détenteur de mille quintaux, par exemple, reçoit en paiement des deux cents quintaux que lui enlève l’état 10,000 gourdes en bons de douanes, alors qu’aux termes du tarif il ne doit, pour la sortie des huit cents quintaux restans, que 6,400 gourdes, il lui reste pour 3,600 gourdes de bons sans emploi. Par une de ces singularités de crédit qu’on ne rencontre qu’en Haïti, ces bons sans emploi, et dès-lors sans valeur, ne perdent à la négociation qu’environ 50 pour 100, ce qui, pour mille quintaux de café valant sur le marché de production 80,000 gourdes, réduit cette nouvelle perte à 1,800 gourdes, ou à un peu plus de 2 pour 100. Ce 2 pour 100, joint au 8 pour 100 mentionné plus haut, porte à plus de dix pour 100 la surtaxe dont la nouvelle combinaison financière de M. Salomon a grevé la sortie des cafés.

Or, en temps ordinaire, les cafés de notre ancienne colonie, bien que d’excellente qualité, se plaçaient déjà très difficilement sur les marchés d’Europe, ce qu’on attribue à l’imperfection des procédés de nettoyage. Qu’arrivera-t-il donc le jour où, n’étant plus soutenus au lieu de production par les conditions de bon marché résultant de la surabondance de la récolte, et au lieu de consommation par la fermeté exceptionnelle des prix, ces cafés se présenteront en outre sur les marchés d’Europe avec une surcharge de 10 pour 100 ? Le consommateur n’en voudra plus, l’exportateur n’en demandera plus, et le cultivateur n’en produira plus. Cette gradation commencera probablement en 1851 : il faudra peut-être trois, quatre années pour que la situation que je signale produise ses conséquences extrêmes ; mais elles sont inévitables, si ce monopole partiel est maintenu. Le café manquant, l’importation arrêtera ses convois, car il n’est pas probable qu’elle consente à échanger des cargaisons de viandes, de farines, de tissus, etc, contre des cargaisons d’acajou et de campêche, que les bâtimens ne prennent que comme appoint de cargaison et souvent même comme lest. L’importation s’arrêtant, la circulation de la gourde dont elle est l’unique soutien s’arrêtera aussi, d’autant plus que les trois ou quatre élémens d’échange intérieur que possède Haïti proviennent du sol et se trouvent, vu l’extrême division de la propriété, presque toujours réunis dans la même main, ce qui suffit à paralyser l’échange.

Privée du même coup des recettes d’importation, des recettes d’exportation et de l’impôt territorial que le contribuable ne pourra plus payer qu’en chiffons de papier sale, sa majesté n’aura plus qu’une ressource pour soutenir quelque temps encore la splendeur de son