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alors. Comme tous ses pareils, à un âge où l’on redoute pour nous le collège, il abordait la vie militaire avec cette gaieté, avec cette assurance que donnaient l’espoir de réussir et la certitude de ne rien perdre à ceux qui avaient pour tout bien un nom honorable, une jolie figure, une bonne épée et un grand courage. Il fit, en qualité de mousquetaire, la campagne de 1761, et fut nommé à cette époque capitaine de dragons au régiment de Chapt, qui prit depuis le nom de Belzunce. Deux ans plus tard, après la campagne de 1763, il passa au grade de capitaine aide-major. Le marquis de Favras avait alors dix-neuf ans et déjà huit années de service et deux campagnes ; mais le rang de capitaine ne suffisait déjà plus à ce jeune homme aventureux et hardi : il rêvait une destinée plus large, et, contre la coutume des officiers de son âge, il se préparait sérieusement à un plus grand rôle. C’était un de ces jeunes gens que la sève de la jeunesse enivre, et qui, sentant dans leur cœur une grande ambition, croient y sentir aussi une grande puissance et s’élancent résolûment vers l’avenir en se disant : « Il y a quelque chose là ! » Souvent il n’y a là que la fougue juvénile, mais cet élan profite presque toujours à ces ames ardentes ; lors même qu’elles n’atteignent pas leur but, elles puisent dans l’impulsion qu’elles ont suivie une force nouvelle. M. de Favras trouva dans ses songes l’amour du travail. Il entreprit de refaire son éducation incomplète, et s’appliqua à des études qui ne préoccupaient guère les officiers de son temps. Non-seulement il avait du goût pour la littérature, ainsi que nous l’apprendra plus tard son style, où l’on trouve sans peine une certaine recherche artistique, mais les finances, l’économie politique, le dessin, même l’architecture, furent tour à tour et peut-être tout à la fois l’objet de ses études. Il se livrait à ces travaux divers avec plus d’ardeur que de méthode. Son esprit plus entreprenant que profond, plus avide que pénétrant, s’attaquait à tout, se lassait vite, allait rarement au fond des choses et changeait aisément de direction et de mobile. Aussi ce travail, qu’un esprit plus calme et plus réfléchi eût aisément fécondé, fut-il plus nuisible qu’utile à M. de Favras. Il avait étudié ou entrevu beaucoup de choses : il crut tout savoir, et s’imagina que, le cas échéant, il pourrait être propre à tout. Son ambition prit au sérieux ces connaissances superficielles, et plus tard, lorsqu’elle s’exalta davantage au contact des nécessités de la vie et de certaines circonstances que nous allons raconter, M. de Favras devint un de ces hommes à projets, un de ces inventeurs inépuisables que tout excite, que rien n’arrête, et qui usent leur vie, sans profit pour eux ni pour personne, à poursuivre des idées chimériques, ou à tracer des plans irréalisables.

Dès le début cependant, un événement inattendu, oublié de tous aujourd’hui, dont il est impossible de découvrir la cause et dont les