Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 10.djvu/1097

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

LE


MARQUIS DE FAVRAS.




C’est une triste et sombre histoire que celle du marquis de Favras. Personne jusqu’à présent n’a voulu ou n’a osé l’écrire ; hors des pamphlets anonymes, devenus très rares, des pièces de procédure pénibles à lire, et quelques notes éparses et incomplètes dans les historiens de la révolution, rien n’a été publié sur cet infortuné. Sa vie n’a jamais été bien connue, même par ses contemporains ; sa mémoire, emportée dès le premier jour par la tempête révolutionnaire, perdue au milieu des malheurs de la France, n’arrive à nous qu’enveloppée d’incertitude et de mystère ; déjà son nom est presque oublié. Le marquis de Favras a eu cependant son jour en Europe ; soixante ans à peine nous séparent des événemens dont il fut une des premières victimes, il existe encore des hommes qui l’ont connu ; son procès a été public, et, chose étrange, à l’heure où nous sommes, personne n’a une opinion arrêtée sur son compte. Abandonné comme un aventurier par le parti de la cour, pour lequel il mourut, il fut traité de « héros de fidélité et de courage » par M. de Lafayette, qui le fit arrêter et le livra à la justice. Déclaré criminel de lèse-nation par le tribunal du Châtelet, des hommes de loi firent aux juges un crime de cette sentence, et portèrent contre eux une accusation formelle de faiblesse et de lâcheté. En un mot, le marquis de Favras a eu cette chance singulière en temps de révolution, de rencontrer les indifférens parmi ceux auxquels il sacrifia sa vie et de trouver des admirateurs dans les rangs