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DE


LA VIE LITTERAIRE


DEPUIS LA FIN DU XVIIIe SIECLE.




I. Sartor resartus, by Thomas Carlyle ; New-York, Wily et Putnam. — II. Des Devoirs du savant et de l’homme de Lettres, par J.-G. Fichte, traduit par M. Nicolas ; Paris, Ladrange, 1851. — III. Douze Discours, par M. Victor Hugo ; Paris, 1851.




Il y a quelque vingt ans, lorsque s’agita la grande querelle des classiques et des romantiques, on discuta beaucoup pour savoir si l’imagination pouvait se passer du sens commun, et si le sens commun pouvait se passer de l’imagination. Les romantiques auraient volontiers pris parti pour l’extravagance contre la raison, les classiques, pour le lieu-commun contre la poésie. Depuis cette époque, on a transporté la querelle sur un autre terrain ; on s’est demandé sérieusement si le talent n’excusait pas l’inconduite et si l’immoralité n’était pas rachetée par l’intelligence. Tel est en France notre malheureux penchant : nous faisons tous nos efforts pour scinder et détruire l’unité de l’homme ; nous séparons la vie spéculative de la vie réelle, nous séparons l’homme du poète ou de l’écrivain, le caractère de l’intelligence, et la plupart de nos dérèglemens, de nos vices littéraires, n’ont pas d’autre cause que cette manie systématique d’isoler sans cesse ce qu’il faudrait réunir.