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la brèche fut franchie et que sa colonne arriva au milieu de la ville. Les feux des maisons tirés à bout portant, les obstacles les plus redoutables et depuis, long-temps préparés ne purent l’arrêter. Le colonel, qui dirigeait sa troupe dans ce dédale de ruelles, vit tomber tous ceux dont il était entouré ; sur les seize zouaves ou chasseurs qui ne devaient pas le quitter, douze furent tués ou blessés ; de ses quatre officiers d’ordonnance, deux moururent à ses côtés, les deux autres furent frappés. On doit à leur honneur d’enregistrer ici leur nom : Toussaint, capitaine de spahis, et le jeune sous-lieutenant Rosetti, du même corps, tués ; De Char, lieutenant de zouaves, et Besson, capitaine d’état-major, blessés.

M. le chef de bataillon de Lorencez, digne fils du général de l’empire et petit fils du maréchal Oudinot, commandait le 1er bataillon de zouaves ; il marchait après le colonel Canrobert. Dès les premiers instans de l’assaut, il reçut une balle dans le flanc, au moment où il donnait à ses soldats le plus noble exemple. De son côté, le colonel de Lourmel entraînait ses soldats, et, malgré une blessure reçue à brûle-pourpoint, il continua à diriger l’attaque de gauche. Le colonel de Barral, après un moment d’arrêt causé par un éboulement, donnait la main aux deux autres colonnes. Ces trois forces enlaçaient alors les trois quarts de la ville, dont pas un défenseur ne pouvait s’échapper ; mais, si le plus grand effort était déjà fait, il restait à entamer l’assaut de chaque maison, remplie d’Arabes décidés à vendre chèrement leur vie. Chaque groupe de soldats s’attaque à celle qu’il a devant lui, car, une fois la direction donnée, dans ces momens si critiques, ils ne prennent conseil que d’eux mêmes et font toujours pour le mieux. D’abord ils cherchent à monter sur les terrasses des maisons pour descendre après dans l’intérieur, mais ils sont fusillés par les créneaux, dont tous les murs sont criblés ; à peine parviennent-ils sur ces terrasses, que mille feux partent du premier étage, soit par des trous pratiqués exprès dans les planchers, soit par l’ouverture intérieure de la maison. Les premiers qui se hasardent à descendre sont tués à coup sur ; mais d’autres finissent par arriver et tombent sur les défenseurs à coups de baïonnette ; ils font un carnage affreux sans chercher à choisir parmi tant de victimes. Il fallait ensuite déloger ceux qui s’étaient réfugiés dans les caves où l’on se mêlât les uns aux autres dans l’obscurité sans pouvoir distinguer ses véritables ennemis ; le plus souvent, on laissait au fond de ces souterrains les malheureux Arabes, qu’il eût été trop périlleux d’y aller chercher, on se bornait à les observer, les réservant ainsi pour les derniers coups.

La position de Bou-Zian n’était plus tenable ; il avait choisi sa propre maison, située presque au centre de la ville, pour mieux diriger la défense, et il était alors entièrement enveloppé. Il parvint cependant