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celles-là même dont les guerriers massacraient et scalpaient sans merci les premiers émigrans normands. Maintenant les Indiens de l’Acadie végètent dans cet état demi-sauvage dont les indigènes ont tant de peine à sortir. Errans comme les Bohémiens, ces Indiens leur ressemblent encore par l’habitude qu’ils ont d’enlever des enfans et de fuir avec eux dans les bois. Une fois initiés à la vie sauvage, les fils des blancs sont perdus pour leurs familles comme pour la société ; si par hasard on les retrouve, ils ne consentent plus à vivre dans les villes.

Ainsi, vers sa partie méridionale, la Nouvelle-Écosse compte encore peu de colonistes ; le mouvement de la population a été attiré vers le centre de la côte orientale, autour de la ville d’Halifax, que l’Angleterre a choisie pour capitale de la province. Halifax paraît destinée à devenir l’une des places les plus commerçantes du nord de l’Amérique ; elle compte déjà vingt-cinq mille habitans. Québec, située trop loin dans les terres, est demeurée la citadelle par excellence, le boulevard des possessions anglaises ; Halifax, que baigne l’Océan, en est aujourd’hui l’arsenal maritime, le premier port de guerre. La nature y avait creusé une rade spacieuse, l’une des plus belles du Nouveau Monde ; la main de l’homme y a ajouté tout ce qui peut contribuer à sa défense. L’Angleterre n’a pas choisi sans motif Halifax pour le rendez-vous de ses vaisseaux ; que l’on consulte la carte, et l’on se convaincra que c’est à la fois le port le plus voisin des États-Unis et le point le plus rapproché de l’Europe. Les paquebots transatlantiques y font escale en venant de la Manche et en partant de Boston, ce qui place la capitale de la Nouvelle-Écosse à dix jours seulement de Southampton. Une garnison qui se compose habituellement de trois régimens contribue encore à augmenter l’animation de cette ville. Cependant, au lieu de se réjouir de ces élémens apparens de prospérité, le gouvernement local, qui voudrait voir le pays se coloniser, remarque avec peine que les habitans de la capitale, habitués à compter pour vivre sur le passage des étrangers et sur le séjour des troupes, montrent peu d’empressement à défricher le sol. En effet, la presqu’île entière, l’île du Prince-Édouard et celle du Cap-Breton ne renferment en tout que cent soixante-quinze mille ames, et, sur ce nombre, plus d’un tiers est groupé dans les ports de mer. Le conseil colonial, pour remédier à cet état de choses, s’occupe avec énergie de développer les ressources de ce pays, qui peut également s’enrichir par l’agriculture, par la pêche, par le commerce et par l’exploitation des mines, et donner une impulsion simultanée à ces quatre branches d’industrie. Il demande à l’Europe ce qu’elle a de trop, des bras. Aux émigrans, il offre la zone boisée qui embrasse la pointe méridionale de la contrée, et que les cartes désignaient encore il y a peu d’années sous le nom de unexploed