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On en venait donc généralement à dire que les puseystes n’étaient que des catholiques déguisés, et les catholiques des puseystes qui avaient le courage de leur opinion. On disait, comme l’a répété hautement le doyen de Bristol, dans cette curieuse épître où il a l’air bien plus irrité du manége secret des puseystes que des empiètemens publics du pape, on disait : La seule différence qu’il y ait entre les puseystes et les romanistes déclarés, c’est que ceux-ci, en se déclarant, renoncent à leurs places et à leurs revenus ecclésiastiques, tandis que les autres gardent les leurs, tout en attaquant et en sapant l’église à laquelle ils les doivent.

Toutes ces apparences plus prétentieuses, plus remuantes cependant qu’elles n’avaient de consistance et de profondeur, auront trompé la cour pontificale, ordinairement mieux informée sur l’à-propos comme sur la portée de ses actes. Les fantaisies intellectuelles ou morales des individus et des coteries se font souvent dans ce temps-ci plus de place au soleil que le courant régulier des idées communes à tout le monde, et l’on méconnaît, l’on oublie presque la force que ce courant garde, jusqu’au jour où l’on s’avise de vouloir le remonter sans avoir mesuré la sienne. Il est à croire que la chancellerie romaine ne s’attendait point à la vivacité du mouvement qu’elle a provoqué, ou bien, si elle l’a bravé en connaissance de cause, c’est une preuve de plus que la politique du saint-siège, si prudente, si calme par habitude et par nature, subit à cette heure l’entraînement qui fascine quelquefois les pouvoirs humains, lorsqu’ils se relèvent après de grands revers et s’enivrent de leur revanche. Ainsi s’expliqueraient la rigueur des procédés dont on use envers le Piémont et la dureté du langage qu’on tient à la Belgique. Ce n’est pas néanmoins une médiocre habileté d’avoir choisi, pour affronter la lutte qu’on se préparait en Angleterre, un champion tel que le cardinal Wiseman : personne ne réunissait à un plus haut degré les qualités nécessaires au rôle difficile qui va commencer pour la nouvelle hiérarchie épiscopale.

Le, cardinal Wiseman a maintenant quarante-neuf ans ; il est né en Espagne et sort d’une famille irlandaise qui résidait depuis long-temps dans la Péninsule. Amené très jeune en Angleterre, où il commença ses études dans un collége catholique du comté de Durham, il alla les finir à Rome avec une rare distinction. C’est à Rome qu’il vécut ensuite jusque vers l’âge de trente-trois ans, et ce fut seulement en 1835 qu’il revint à Londres, où dès-lors il se fixa. Orateur, écrivain, professeur, il s’est voué sans relâche à la propagation de la foi. Président du collége catholique de Sainte-Marie, à Oscott, d’abord provicaire, puis, en 1849, vicaire apostolique du district de Londres, le docteur Wiseman était certainement l’homme le plus considérable et le plus expérimenté de son église, lorsque les dignités qui lui ont été récemment conférées sont encore venues exhausser son rang et mettre ses mérites en un jour plus éclatant. Le nouveau prince de l’église, par une rencontre trop significative pour n’être qu’un hasard, a été fait cardinal du titre de Sainte-Prudence. Il a déjà prouvé avec bonheur qu’il ne démentirait pas l’invocation sous laquelle il s’est placé. Le manifeste par lequel il a répondu d’une façon si preste et si déterminée aux violentes récriminations dont la bulle pontificale était partout l’objet est un chef-d’œuvre de polémique. Notons, pour notre gouverne, que ce manifeste n’est pas intitulé : « Appel au peuple anglais, » comme l’ont dit ici, par