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Les anglicans ont en principe ou en diminutif la confession, l’extrême onction, l’eucharistie. Ils ont crié beaucoup contre le sens charnel de l’eucharistie catholique ; le fanatisme vulgaire a même redoublé contre elle de violences et d’injures dans la bataille maintenant engagée ; mais il n’en est pas moins vrai que la consubstantiation par laquelle les trente-neuf articles remplacent le dogme de la transubstantiation implique expressément la présence réelle. Enfin il n’est point jusqu’aux armes de la vieille domination théocratique que l’église anglicane ne se soit réservées ; elle a, pareillement à Rome, ses anathèmes obligés ; elle y persévère plus opiniâtrement encore que Rome ; elle les inscrit dans ses prières habituelles, et, comme l’église romaine, elle invoque le bras séculier, « l’épée civile, » selon l’expression des trente-neuf articles, au secours de ses arrêts.

Ces ressemblances qui rapprochent si fort le schisme anglican de l’orthodoxie catholique ont eu depuis quelques années un résultat inattendu. Le zèle religieux s’était insensiblement amoindri en Angleterre sous l’influence des préoccupations philosophiques et de l’activité dévorante des intérêts matériels ; toute la ferveur dévote semblait se réfugier dans les meetings des dissenters ; l’église établie, jouissant à loisir de sa sécurité, se relâchait de la rigueur de ses observances, elle sacrifiait au monde, et l’on avait, à la longue un clergé latitudinaire, le mot ayant été là très bien trouvé selon la chose. Suivant l’invariable loi de la pensée humaine, cet excès de langueur finit par amener au sein même de l’église anglicane une réaction qui correspondit à peu près avec le réveil et le progrès du piétisme dans les communions protestantes de l’Allemagne. Cette réaction a d’autant mieux réussi, qu’elle a pu naturellement s’autoriser des analogies qui avaient toujours subsisté entre l’anglicanisme et la foi catholique.

Il y a là toute une face, et ce n’est pas la moins curieuse, de ce grand mouvement rétrograde qui pousse certains esprits d’un bout à l’autre de l’Europe à s’insurger aujourd’hui contre les origines et les principes de la société moderne. Le droit de libre examen, si conforme pourtant à l’indépendance native du génie anglais, fut tout d’un coup maudit et renié dans l’ardeur un peu artificielle avec laquelle on voulait retourner à la simplicité de la foi. Ou proclama le besoin absolu d’une autorité qui fit loi sur les consciences, et si l’on était encore trop Anglais pour rentrer sous le joug de Rome, on tâcha du moins de se persuader qu’on pourrait trouver une meilleure règle spirituelle que l’infaillibilité d’un pape en uniforme ou en jupons. Ce fut au sein de l’université d’Oxford que naquit et se développa cet essai d’une nouvelle réforme au rebours de l’ancienne. Ce fut l’un des maîtres de l’antique institution, le docteur Pusey, qui fonda cette petite église au milieu de la grande, qui lui donna son nom, qui la caractérisa par ses ouvrages et par ceux de ses amis. Ce fut d’Oxford que sortirent ces nombreux écrits aussi pressans que succincts, ces tracts en un mot, qui, tous empreints de la même couleur et dirigés dans une même tendance, firent appeler tractarians les adeptes si bien disciplinés de la jeune école. L’enseignement d’Oxford ne tarda à porter ses fruits dans le clergé à mesure que changea la génération ecclésiastique, et les évêques d’Oxford, de Londres et d’Exeter ont même fini par accepter ouvertement la responsabilité de ces doctrines, et par prendre sous leur patronage ceux qui les professaient.