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L’auteur de la Symphonie pastorale est né à Bonn le 17 décembre 1770. Son grand-père était originaire de Maëstricht ; sa mère, Marie-Madeleine Keverich, était de Coblentz, et son père, Jean Van Beethoven, chantait la partie de ténor à la chapelle de l’électeur de Cologne. Issu d’une pauvre famille d’artistes, Beethoven eut une enfance agitée, et son éducation se ressentit de l’impétuosité de son caractère. Il apprit les élémens de la langue latine dans une école publique de sa ville natale, et son père lui enseigna les principes de la musique. Il fallut le contraindre d’abord à étudier l’art qui devait immortaliser son nom. Il répugnait à s’asseoir tranquillement devant un piano et à soumettre ses mains à un exercice purement machinal. Sa résistance ne fut pas moins vive pour l’étude du violon, dont il n’a jamais pu surmonter les difficultés. Il passa ensuite sous la direction de Pfeiffer, oboïste distingué, dont les conseils ont eu la meilleure influence sur le développement de son goût, ainsi qu’il se plaisait à le proclamer plus tard, tandis qu’il a toujours nié devoir la moindre reconnaissance à l’organiste de la cour électorale, Neefe, dont il reçut également des leçons[1]. Van der Eder lui apprit à jouer de l’orgue, et cet instrument magnifique, qu’il a toujours beaucoup aimé, a dû éveiller dans son ame encore novice les sonorités puissantes et diverses qu’il a introduites dans la symphonie.

Jamais grand homme n’a eu plus que Beethoven le caractère de son génie ou le génie plus conforme à la nature de son caractère. Dès ses premières années, il révéla les inégalités maladives de son humeur misanthropique et l’insubordination glorieuse de son esprit. Il n’apprit rien comme les autres. Les déductions logiques effarouchaient cette imagination ravie du spectacle de la nature. Il restait sourd aux préceptes scolastiques, et son cœur ne s’ouvrait et ne s’emplissait d’émotions fécondes qu’en étudiant les œuvres concrètes des maîtres préférés. Il procédait par l’intuition, qui est la méthode du génie. Il aimait à s’abreuver aux sources vives, et, comme un oiseau du ciel, à tremper ses ailes dans les eaux des torrens. Bach, Haendel et Mozart furent ses véritables instituteurs. Il déchiffra leurs œuvres et s’en appropria les sucs inspirateurs. Il prit à l’un son harmonie âcre et sauvage et le savant badinage de ses fugues charmantes ; au second, l’allure pleine de majesté de sa phrase mélodique ; au troisième, le rayon de sa grace divine, dont il ressentit long-temps l’influence secrète. La jeunesse de Mozart et celle de Beethoven présentent déjà le contraste qu’on remarquera dans leur destinée : l’un, doux et humble, reçoit avec piété les conseils de ses maîtres et s’épanouit harmonieusement et sans douleur

  1. On retrouve ces détails sur la jeunesse de Beethoven, qui redressent tant d’erreurs, dans la biographie de M. Antoine Schindler. – Leipzig, 1845.