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Il en fut de même des papiers peints, dont la fabrication fut simultanément disputée par les imprimeurs, les graveurs, les marchands de papiers et les tapissiers.

En présence de tant de mesures restrictives, la production était nécessairement très entravée ; mais ce n’était point tout encore. Les règlemens apportaient au travailleur un nouveau préjudice en lui enlevant une partie de son temps, en paralysant ses bras par l’interdiction du travail de nuit et la stricte observation des jours fériés. La défense de travailler à la lumière, qui avait pour but d’assurer aux objets de fabrication une exécution plus parfaite, se trouve pour la première fois dans un capitulaire de Charlemagne, et elle fut rigoureusement maintenue jusqu’au XVIIIe siècle. Cette défense était d’autant plus désastreuse, qu’elle réduisait souvent le gain de près de moitié dans la saison même où l’ouvrier a le plus de peine à vivre. L’observation des jours fériés n’entraînait pas de moins graves abus. Le respect pour ces jours était si grand, que, dès le samedi, on cessait le travail de bonne heure comme pour se préparer à la solennité du lendemain. Dans quelques professions même, les ouvriers se reposaient un certain nombre de jours après les fêtes de Noël, de Pâques et de la Pentecôte. On ne pouvait déroger à cette loi du repos que dans le cas où le travail était pour le roi, l’église ou les morts. Les pâtissiers de Paris formaient seuls exception dans cette ville, — car, malgré la ferveur religieuse, les solennités chrétiennes restèrent toujours, comme les fêtes du paganisme, des jours de festin, dies epulatœ ; — mais, tandis que les pâtissiers travaillaient librement, les boulangers étaient contraints de chômer, et, par cette distinction qui montre toute l’imprévoyance du moyen-âge, on favorisait la production pour un objet de luxe, on l’interdisait pour un objet de première nécessité. Cette obligation du repos pendant les solennités de l’église remonte aux premiers temps de la monarchie, et on la trouve dans des édits de Childebert et de Gontran. À cette date, elle peut être considérée comme un bienfait pour les classes laborieuses, en ce qu’elle constitue en leur faveur une sorte de trêve de Dieu dans le servage ; mais, après l’affranchissement du travail, ce ne fut qu’une cause de ruine et de misère, et les abus furent poussés si loin, que le clergé prit quelquefois l’initiative de la suppression des jours fériés dans l’intérêt des classes ouvrières.

Après avoir soumis la fabrication à des règles invariables, après avoir déterminé dans l’année les jours de travail et les jours de repos, notre ancienne législation ne pouvait manquer de déterminer également pour chaque jour la durée du travail. Cette durée, par cela même qu’il était défendu dans la plupart des métiers d’ouvrer la nuit, était nécessairement réglée sur celle du jour. Le soleil levant et le soleil couchant marquaient à l’artisan le commencement et la fin de son labeur. Les ouvriers qui étaient le plus favorablement traités avaient par jour trois heures de repos, pendant lesquelles ils pouvaient sortir pour prendre leurs repas, se baigner et dormir ; mais c’était là une exception. Dans un grand nombre de villes, ils devaient rester dans l’atelier même pendant les momens de repos qui leur étaient accordés, et leurs femmes étaient obligées de leur apporter à manger. Une amende, dont le taux était en général au XVe siècle de 5 sous parisis, frappait ceux qui se mettaient trop tard à l’ouvrage ou qui prolongeaient leur travail au-delà du temps fixé. La besogne