Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/843

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

notre ancienne législation industrielle se divisent en deux catégories principales, comprenant : l’une, les actes émanés des corps de métiers eux-mêmes ou des échevinages ; — l’autre, les actes émanés de la couronne et des grands pouvoirs de l’état.

En ce qui touche les actes émanés des corps de métiers, on y trouve jusqu’à la fin du XIVe siècle l’application la plus large du principe démocratique et l’exercice du pouvoir législatif restreint aux limites d’une profession. Ce sont les artisans eux-mêmes, ou les marchands réunis en assemblée générale, qui discutent les dispositions de leurs statuts et qui en arrêtent la rédaction ; ces statuts, il est vrai, pour prendre force de loi, restent soumis, suivant les temps et les lieux, à l’approbation des échevinages, des juges royaux ou féodaux, à celle des parlemens ou des rois ; mais, du XIIIe au XVe siècle, cette approbation ne fut jamais contestée, parce qu’on partait de ce principe que les artisans ou les marchands qui avaient rédigé les statuts étaient mieux que personne en état de juger ce qu’il y avait de convenable.

En ce qui touche les actes émanés de la couronne, on peut dire qu’ils ne diffèrent en rien, et surtout dans les premiers temps, de l’esprit général des statuts rédigés par les métiers eux-mêmes. Ces actes, rares à l’origine, vont se multipliant et se généralisant de plus en plus au fur et à mesure que l’administration se centralise. Du XIIIe au XVIe siècle, ils ne s’appliquent, comme codes particuliers, qu’à de certaines industries dans certaines villes ; mais, du XVIe siècle jusqu’à la révolution, on trouve un grand nombre d’édits réglementaires qui soumettent le même métier à une même police dans toute l’étendue du royaume.

Les corporations d’une part, les rois de l’autre, voilà donc au moyen-âge les législateurs les plus directs de l’industrie. Toutefois, dans le morcellement immense de l’ancienne monarchie, il était difficile que tout marchât d’un même pas et fût soumis à une règle uniforme ; aussi retrouvons-nous dans le droit industriel la même confusion que dans le droit coutumier.

Dans les villes ou dans les portions de ville placées sous le régime féodal, le possesseur du fief était considéré comme le maître des métiers : c’était de lui qu’on achetait le droit d’exercer une profession, d’ouvrir une boutique, d’établir des étaux. L’industrie dans les localités de cette espèce n’était donc qu’une véritable inféodation, et à ce titre elle restait chargée d’une foule de droits onéreux. Les évêques, les abbés, les doyens, les officialités avaient aussi quelquefois sous leur dépendance certains corps d’artisans ; il en était de même de plusieurs ordres religieux ; c’est ainsi qu’au XVIIIe siècle les ouvriers en fer de Caen devaient faire approuver leurs statuts par le chapitre général de l’ordre des prémontrés.

Dans les villes de loi, c’est-à-dire dans celles qui avaient une charte de commune et qui étaient administrées par des magistrats à la nomination du peuple, le gouvernement et la police des métiers appartenaient en dernier ressort aux échevinages, et, à l’origine même de la création des communes, les officiers municipaux exerçaient sur l’industrie une autorité souveraine. Il suffisait pour que les statuts eussent force de loi qu’ils fussent transcrits sur les registres des échevinages. Peu à peu cependant les magistratures urbaines s’effacèrent devant la couronne ; il fallut, pour que les règlemens adoptés par les échevinages fussent