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présent qui est assigné à cette classe par le développement même de la société : relever ce qu’elle avait fait de bon et d’utile pour tous, sans oublier pourtant ses erreurs et ses défauts, cela pouvait fournir le thème, si je ne me trompe, de leçons où tous les partis auraient trouvé à profiter.

Si un imperturbable aplomb suffisait toujours pour imposer au lecteur, si des détails habilement mis en relief pouvaient être pris pour des vues d’ensemble, s’il ne s’était agi que de blâmer avec une certaine verve et d’une plume souvent acérée des désordres trop idéalisés, nous pourrions accorder à l’auteur d’avoir fait un livre de quelque autorité et de quelque mérite. Malheureusement, nous devons le dire, non-seulement dans cet entassement de chapitres sans enchaînement et d’une uniforme prolixité, il n’a pas traité avec l’attention qu’ils méritent les points que lui imposait son sujet, mais il semble presque toujours avoir pris à tâche d’en donner une solution à contresens de l’histoire et directement contraire à l’utilité politique que nous voudrions en tirer. On avait beaucoup abusé de la logique au sujet de la révolution ; M. Granier de Cassagnac trouve plus simple de la déclarer un pur accident. Qu’est-elle en fin de compte ? Une intrigue qui a réussi. Ne parlez pas de l’influence des livres inspirés par la philosophie du XVIIIe siècle ; l’auteur décide qu’ils n’en ont exercé aucune, pour cette raison qui, dans un écrit dont l’ingénuité n’est assurément pas le défaut, m’a paru être quelque peu naïve : on les prohibait, donc on ne les lisait pas. La vraie cause du mouvement de 1789, c’est qu’il a plu à MM. de Calonne, Necker et de Brienne d’attiser ou plutôt d’allumer le feu de la révolution par des brochures contre les notables qui se refusaient à faire aucun sacrifice aux nécessités du trésor. Tout le reste n’est que chimère. M. Granier de Cassagnac a certainement le droit de s’enorgueillir : il faut avouer que voilà une bien ingénieuse et piquante façon de comprendre la révolution française avec les cinquante ans d’histoire qui en sont la suite, une vue qui ne peut manquer de faire le plus grand honneur à sa sagacité ! Naïfs que nom étions, nous nous imaginions être les fils d’un mouvement intellectuel qui avait pour chefs Turgot et Montesquieu, et nous ne sommes nés que d’une malice faite par M. de Brienne aux notables ! Quelque mépris que le tranchant écrivain professe pour la philosophie de l’histoire, il nous répugne infiniment de croire que la divine Providence s’amuse à de pareilles ironies. Quand elle juge à propos de remuer le monde, il est au moins douteux qu’elle ait l’idée d’aller chercher M. de Calonne. C’est, en tout cas, un secret qu’elle avait soigneusement tenu caché jusqu’ici, et dont le nouvel historien peut à bon droit se prévaloir.

Quant à la nécessité des réformes et au rôle des classes moyennes dans la révolution, ce sont encore là des points sur lesquels, au lieu de