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Nous serions volontiers restés sur cette impression d’optimisme que nous a laissée le message ; nous nous trouvons ramenés presque malgré nous au souvenir de la crise dont le message a subitement dissipé le plus gros, sans en effacer peut-être toute l’aigreur. Nous n’avons pas cependant la fantaisie de nous y arrêter beaucoup ; nous nous sommes bien promis de ne point asservir la Chronique aux procès-verbaux de ces querelles de ménage ; nous ne nous soucions pas de nous mettre périodiquement à cette amère ration de commérages intimes, et, n’étant de l’intimité de personne dans la bagarre, nous n’avons pas de raison d’être plus curieux que le public. Nous nous trouvons même assez bien de ne pas regarder de plus près que lui, et nous nous déclarons satisfaits du seul honneur de formuler les commentaires qu’il hasarde à distance. Ainsi donc à quoi bon raconter qu’il y a maintenant sur le tapis une question-Yon, qui feignait de devenir aussi formidable que la question-Neumayer, si la grande sérénité du message présidentiel n’avait déplissé les sourcils trop froncés des administrateurs de la bourse et de la dignité parlementaires ? Cela nous conduirait tout au plus à refaire connaissance avec M. Antony Thouret, qui a voulu soulever cette question, comme disait son honorable collègue M. Baudin, ce qui prouve, comme semblaient le comprendre nos représentans égayés, que la question, en effet, était lourde à porter, puisqu’il y fallait ce robuste athlète. Les législateurs nous arrivent de province d’un air très décidé à se priver le plus possible de ces questions scabreuses dont on n’excuse plus rien à vingt lieues de Paris. Ils les enterrent sans dire gare, et M. Estancelin lui-même a été tout étonné de voir prendre au mot la pétulance avec laquelle il ajournait à six mois la question d’Hautpoul. Il va de soi que parmi tant de questions nous n’en regrettons aucune, et que nous savons très bon gré qu’on nous débarrasse sommairement de ces mauvaises queues de méchans scandales.

Nous ne pénétrons donc pas dans le détail des brouilles qui ont failli nous coûter cher pour s’être mises fort mal à propos entre le législatif et l’exécutif, mariés tellement quellement l’un à l’autre par la constitution de 1848. Tâchons pourtant de remonter aux causes générales de ces incidens trop répétés ; nous serions bien aises d’indiquer à peu près où sont les torts, à cette seule fin qu’on le sût mieux, si l’on veut du moins les éviter. Les torts à notre sens ne sont proprement chez l’un ni chez l’autre des deux conjoints ; ils appartiennent soit aux tiers qui s’interposent trop entre eux, soit au régime sous lequel ils sont unis. Nous aimons à croire qu’il n’y a pas sérieusement d’incompatibilité d’humeur entre le président et l’assemblée : le bon accueil que celle-ci a fait au message l’a montré bien clairement ; mais les amis de la présidence ne sont pas le président, pas plus que la commission de permanence n’était rassemblée. Or, M. le président de la république a des amis qui sentent plus que lui les griefs qu’il peut avoir, et qui en parlent comme il n’en parlerait certainement pas, ce qui n’aide à les faire oublier de personne. Ces amis compromettans sont à la fois trop pressés et trop attardés, ils tirent toujours avant l’ordre, et leurs fusils partent encore quand la paix est conclue. Il suffit de connaître un peu l’espèce des amis en général, pour être sûr que le président n’est pas responsable de tout le zèle des siens. Il y a quelque analogie avec tout cela dans la position de la commission de permanence par rapport à l’assemblée : la commission était d’autant plus jalouse des droits du parlement,