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au moins un jour, durant lequel la France, retrouvant le sentiment et la voix, reconquérait la possession d’elle-même. Un cri échappé de la poitrine oppressée suffit pour dissiper les vapeurs du plus sombre cauchemar. Au 9 thermidor, la France put pousser ce cri de salut, et la terreur s’évanouit comme le fantôme d’une nuit d’horreur ; une solidarité jusqu’alors inaperçue liait le gouvernement révolutionnaire au sort des hommes qui seuls avaient été assez puissans pour organiser cette compression gigantesque ; le jour où ceux-ci disparurent, les jacobins devinrent des tigres édentés, et il ne leur resta plus que l’alternative de se faire guillotiner avec Bourbotte et Goujon en tentant contre la France réveillée une restauration visiblement impossible du système terroriste, ou de s’introduire en rampant dans les antichambres du vainqueur de l’Italie ! Avoir la poitrine chamarrée de cordons ou être pendus comme de vils assassins, prendre le rôle de Fouché ou celui d’Arena, telle fut l’ironique destinée d’un parti qu’on aurait pu croire formé des derniers des hommes, s’ils n’avaient eu depuis des admirateurs.

Lorsque de telles horreurs ont été étalées à la face du monde, et que toute une génération d’écrivains a trouvé créance, quand elle a prétendu transformer ces temps honteux en une ère de mâle courage, il n’est pas pour un pays, sachons-le bien, d’expiations assez longues et d’épreuves assez douloureuses. La suite de ces études montrera sous un autre jour l’impuissance des partis, du 9 thermidor au 18 brumaire, et nous conduira à l’appréciation de l’œuvre de restauration sociale accomplie, contre toutes les vraisemblances humaines, par le grand délégué de la Providence.


LOUIS DE CARNE.