Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/703

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à l’apologie des filles-mères ? Qui ne voit que le socialisme moderne, dans ses plus tyranniques inspirations, dominait l’assemblée lorsqu’elle accueillait en matière d’éducation les théories de Danton et de Robespierre, et transformait la tendresse des mères en attentat contre la société ? Un homme dont le pied glissa, heureusement pour sa mémoire, dans le premier sang qu’il eût versé, Saint-Fargeau, a laissé dans son projet de code pénal et dans son plan d’éducation lacédémonienne des monumens qui le disputent à coup sûr en excentricité aux plus curieuses inventions de l’Icarie. Chaumette était un ennemi personnel de Dieu, moins éloquent, mais plus furieux que M. Proudhon, et le mysticisme de Catherine Théot était de meilleur aloi que celui de M. Pierre Leroux. Enfin, si la propriété n’était pas encore contestée comme institution, elle était violée chaque jour avec impudeur, et la haine que les grands révolutionnaires portaient à la fortune n’était égalée que par celle qui les animait contre l’intelligence.

« Laissons les talens aux aristocrates, s’écriait le comédien Collot d’Herbois, à nous la vertu suffit. » - « Les hommes d’état nous vantent leurs talens, écrivait Marat en demandant la tête des girondins ; mais ces talens sont un crime de plus, car ils blessent l’égalité. » - « Sachons faire taire notre sensibilité, disait Robespierre en portant la main sur son cœur ; anéantissons les riches, car ils sont nécessairement les ennemis des pauvres, et la révolution a été faite pour le peuple. » - « Ici nous frappons tous les riches, écrivaient les proconsuls sur les ruines de Cité-Affranchie, nous sommes ainsi bien assurés de toujours frapper juste. » - « Il faut, disait le prêtre Chasles aux Jacobins, que, par le moyen de la taxe de guerre, les pauvres soient nourris par les riches, et qu’ils trouvent dans le portefeuille des égoïstes de quoi subvenir à leurs besoins. »

La voilà au sein des plus hautes régions des pouvoirs de ce temps, cette exécrable pensée issue de l’union de la convoitise avec l’envie, la voilà s’étalant dans sa nudité telle que nous étions condamnés à l’humiliation de la voir reparaître ! Qu’ont dit de mieux nos clubistes ? qu’ont rêvé ou découvert nos réformateurs vivans, depuis les économistes jusqu’aux hiérophantes, que leurs terribles prédécesseurs n’eussent commencé à pratiquer ? Tous les vrais révolutionnaires s’entendaient sur un point, même en se poussant l’un l’autre vers l’échafaud tous avaient fait aussi le serment d’Annibal contre la société qu’ils aspiraient à détruire. Depuis Fauchet, qui, dans l’inépuisable abondance de ses lyriques périodes, célébrait à tire d’aile l’éblouissant avenir de l’humanité régénérée, jusqu’au très positif Jacques Roux, dont les terribles syllogismes faisaient reculer Robespierre, tous les adeptes du grand œuvre poursuivaient un même idéal, l’absorption du citoyen dans l’état et la substitution d’une sorte de communauté égalitaire au principe