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réguliers, il fut en même temps une attaque fort habile contre le parti girondin, qui, en proclamant la forme républicaine, n’avait pas entendu s’établir en guerre permanente contre le monde civilisé. Les jacobins instruisirent le procès de Louis XVI afin de préparer le 31 mai, et non pour défendre la république, qui ne se trouva plus tard mise en question que par les conséquences mêmes de cet acte.

Au lieu d’écarter les périls inséparables de toute régénération politique, le parti jacobin avait donc manifestement pour système de les aggraver ; il prenait, pour augmenter le nombre de ses ennemis, autant de soins qu’il semblait naturel de prendre pour le diminuer. De là cette disposition constante à déverser la calomnie et l’injure sur tous les généraux et à prédire des défections afin de les rendre nécessaires. On dirait, en lisant les journaux de ce temps, que chacune de ces défections était une bonne fortune pour la révolution, parce qu’elle contraignait celle-ci de proportionner la violence au péril et de se montrer plus audacieuse à mesure qu’elle était plus menacée. Le 10 août avait poussé M. de Lafayette à une tentative impuissante, parce qu’elle fut tardive ; le 21 janvier fixa les irrésolutions de Dumouriez, qui ne pu porter aux yeux de l’Europe le poids d’un crime que, sur sa gloire, il avait juré d’empêcher ; le 31 mai provoqua la mise à mort de Custine. De chaque attentat sortait un danger, et, bien loin d’alarmer le parti montagnard, ce danger était salué avec joie, parce qu’il devenait le germe d’un attentat nouveau.

À force de suspicions et d’outrages, la révolution naissante avait contraint Louis XVI à se jeter dans les bras de ses ennemis ; elle avait cherché la guerre civile en provoquant à plaisir la persécution religieuse, et bientôt après elle avait imposé la guerre étrangère aux longues hésitations des chancelleries allemandes ; puis, lorsqu’elle eut proclamé la république et triomphé de l’invasion par la puissance de l’élan national, elle contraignit, par un défi sanglant, l’Europe entière à sortir de la neutralité qu’elle désirait garder, pour descendre sur le champ de bataille où la convention allait provoquer toutes les monarchies à la fois. Ainsi resplendit à toutes les phases de son histoire indignement travestie cet axiome éclatant d’évidence, que la révolution française n’a jamais été mise en péril que par elle-même, et qu’elle s’est suscité tous ses ennemis.

D’où venait cette disposition singulière à créer chaque jour à sa cause de nouveaux obstacles, afin de lui fournir l’occasion de faire de nouveaux progrès ? Ce phénomène serait inexplicable, si l’on ne se rendait