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C’était du temps du feu marquis Tempi que ce chef-d’œuvre revoyait le jour. Il y a des gens à Florence qui ont assisté à cette résurrection ; malheureusement, leur joie devait être de courte durée. Quelques années plus tard, le tableau abandonnait cette demeure où il était entré de la main même de Raphaël, d’où jamais il n’était sorti : il s’en allait à Munich. Un opulent héritier avait eu le triste courage de préférer au joyau de sa famille les florins du roi de Bavière.

Plus récemment encore, il y a seulement quelques années, l’ancien palais du podestat n’a-t-il pas été témoin d’une autre résurrection plus imprévue et non moins merveilleuse ? D’après une ancienne tradition, fondée sur des témoignages contemporains, sur des autorités incontestables, on savait que Giotto avait peint à fresque une salle de ce palais et qu’il avait fait dans un de ses tableaux le portrait du Dante, alors dans la force de l’âge. On connaissait la salle, et souvent on avait essayé, en détachant l’enduit rougeâtre qui en recouvre les parois, de retrouver ce précieux portrait. Jamais on n’avait réussi, et tout le monde était convaincu que les peintures de Giotto avaient été complètement détruites. C’est au moment où personne n’y pensait plus qu’un homme enfermé dans cette salle, et ne sachant qu’y faire, s’amusa, sans le moindre soupçon, sans le moindre instinct d’archéologue, à gratter la muraille avec son couteau et tomba juste sur cette tête du Dante, admirable profil qui reproduit ces traits si connus avec un accent tout nouveau de jeunesse, de force et d’inspiration.

Nous pourrions parler encore d’une certaine fresque de Paolo Ucello, qu’on voit aujourd’hui dans l’ancien monastère de Santa-Apollonia (in via San-Gallo), et qui ne s’est révélée pour ainsi dire que le jour où l’élargissement de la rue voisine a fait pénétrer un peu de lumière dans cette partie de l’édifice ; nous pourrions rappeler enfin que, dans la maison même de Michel-Ange, on vient de retrouver, il y a quatre ou cinq ans, le modèle en cire de sa statue de David, ébauche sublime déposée depuis trois siècles dans une armoire dont le double fond n’avait jamais été aperçu. Ces exemples ne font-ils pas justice de tous les argumens négatifs opposés à la découverte de MM. della Porta et Zotti ? ne prouvent-ils pas aux plus sceptiques que s’enfermer dans un système d’incrédulité à l’apparition de tout chef-d’œuvre inconnu, c’est s’exposer presque à coup sûr aux plus lourdes méprises. Mettons donc de côté et le silence des biographes et toutes les autres fins de non-recevoir : c’est, en définitive, au tableau seul à nous apprendre de quelle main il est sorti ; c’est lui qui doit nous dire s’il peut légitimement prétendre à l’honneur qu’on lui fait. Toutefois, avant de l’interroger, il faut encore que nous nous arrêtions un instant devant une objection préjudicielle. Qu’on nous permette ce mot, car c’est d’une vraie procédure qu’il s’agit. Nous l’abrégerons autant que possible ; puis, l’incident