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REVUE DES DEUX MONDES.

notables. M. Rives, ministre des États-Unis à Paris, et M. Léon Faucher, vice-président de l’assemblée nationale, ont insisté vivement sur les avantages de la nouvelle entreprise. Ce serait maintenant à la France, M. Faucher l’a dit en termes chaleureux, de seconder la ligne américaine en établissant une ligne française ; mais nous oublions que nous ne sommes pas précisément à l’heure des projets pacifiques et des pensées d’avenir.

Nous ne voulons point finir ce rapide tableau des affaires américaines sans donner un souvenir, par malheur un peu tardif, à un homme qui fut l’un des plus importans de toute la Péninsule, l’un des rares citoyens qui y aient réellement mérité ce nom. Le général San-Martin est mort en France il y a bientôt deux mois ; il avait quitté depuis long-temps déjà le pays dont il avait tant contribué à fonder l’indépendance, et où il regrettait de ne pouvoir établir la concorde. C’était le général San-Martin qui avait organisé le premier les troupes argentines, et fait, avec des gauchos habitués à la vie des pampas, ce fameux régiment de grenadiers à cheval qui, en douze années d’une campagne continuelle, de 1814 à 1826, fournit presque tous les officiers de la guerre d’émancipation, traversa plus de quatre mille lieues de pays, livra plus de cent combats, et, sorti de Buenos-Ayres au nombre de quinze cents hommes, n’en ramena que cent vingt-six, sans que jamais la discipline s’y fût un moment relâchée. C’est le général San-Martin qui, après avoir affranchi les provinces argentines en 1813, s’unit avec Bolivar, libérateur de la Colombie, pour chasser les Espagnols de toutes les régions intermédiaires qui séparaient les deux extrémités de ce vaste continent du sud. Le Chili, le Pérou, s’ouvrirent à ses armes. Nommé protecteur de la république péruvienne, il sut abandonner à temps le pouvoir pour ne pas entrer en lutte avec Bolivar, dont l’ambition mystérieuse aspirait à former un seul empire de tous ces nouveaux états. Quelles que soient les chances que l’avenir réserve à l’Amérique du Sud, le nom du général San-Martin devra toujours tenir une grande place dans son histoire.

ALEXANDRE THOMAS.


V. de Mars.