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à l’accroissement des produits de l’industrie du sucre, en propageant les meilleures méthodes de fabrication. Les écrits qu’il a publiés en Hollande depuis 1847, sur les questions coloniales, portent tous la marque de sa vieille expérience. Comme il sera de droit le conseiller le plus intime du gouverneur-général, son opinion sur toutes ces matières a désormais un poids particulier.

Ce ne saurait être une tâche commode que d’administrer ainsi à distance ces vastes colonies. M. Van Nes réclame dans ses écrits une autorité plus entière polir le gouverneur des Indes néerlandaises ; il voudrait que le futur règlement colonial donnât à ce haut fonctionnaire plus de latitude pour agir seul. Il n’y a point cependant chez les colons de Java cette impatience du joug de la métropole qu’on voit à chaque instant percer sur tous les points du monde colonial où flotte le pavillon anglais. De récentes manifestations entretiennent les inquiétudes, déjà anciennes, que ce département si considérable donne tantôt par un côté, tantôt par l’autre, au gouvernement britannique. Ainsi, il y a toujours dans la Guyane anglaise un mécontentement assez vif ; on voudrait inutilement obtenir des institutions représentatives plus larges et plus libres. Les rapports qui se nouent entre le Canada et les États-Unis deviennent d’une intimité de moins en moins rassurante pour la mère-patrie. Il n’est pas jusqu’aux trains de plaisir par où les Canadiens s’en vont en masse aux concerts de Jenny Lind, qui ne soient une occasion ouverte à la propagande américaine ; l’esprit yankee est trop pénétrant, trop absorbant pour ne pas toujours empiéter sur quelque race que ce soit, du moment où elle se trouve en contact avec lui. Enfin l’on vient d’apprendre que le premier acte par lequel les habitans de la Nouvelle-Galles du Sud inauguraient la constitution qu’ils doivent à lord Grey, ç’avait été de nommer comme membre de la législative pour Sydney l’un des personnages les plus remuans et les plus hostiles à l’administration qu’il y ait dans la cité.

Le gouvernement anglais est, du reste, livré pour l’instant à des préoccupations moins lointaines, et il ne doit pas manquer d’être assez mal à l’aise devant l’agitation soulevée dans tout le pays par la nouvelle mesure pontificale qui rétablit la hiérarchie catholique et romaine sur le vieux sol anglican. Un cabinet whig par le fond, et contenant encore autant de whiggism qu’il en peut subsister dans la confusion des anciennes doctrines, un cabinet qui n’avait point pour sa part d’objections formelles à l’entrée d’un Israélite dans le parlement ne saurait s’associer très vivement aux préjugés du vulgaire britannique contre le papisme ; mais il n’est pas douteux que ces préjugés n’aient conservé en Angleterre une force dont la cour de Rome n’avait peut-être point calculé l’explosion en la provoquant. Le cri de no popery a si long-temps été un cri national de l’autre côté du détroit, qu’il se retrouve encore au fond des ames, même lorsqu’il n’a plus de signification politique, même lorsqu’il ne répond plus à quoi que ce soit qui puisse menacer la constitution anglaise. Nous n’avons aucune sympathie pour ces vieilles rancunes ; nous les trouvons aussi peu libérales qu’elles sont peu intelligentes. Nous ne pouvons cependant nous abstenir de remarquer jusqu’à quel point elles témoignent de la persistance, tenace du caractère anglais. L’anti-papisme a été pendant des siècles en Angleterre l’un des instincts les plus véhémens du sens public, ç’a été presque notre chauvinisme ; mais tandis que nous en sommes à regretter jusqu’à cette naïve