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il l’a fait sans ostentation comme sans couardise. Quant aux batailles qu’il a gagnées par ses généraux sans quitter son palais, si elles ne lui assurent pas un rang élevé parmi les hommes de guerre de son temps, elles le classent à coup sûr parmi les plus habiles politiques. Habituellement dissimulé, Charles-Quint n’est pas sans quelque ressemblance avec Louis XI. Cependant il y aurait de la puérilité à vouloir établir entre eux une comparaison, car il y avait parfois dans la gravité de Charles-Quint quelque chose de théâtral il n’oubliait jamais sa puissance, et voulait à toute heure frapper l’imagination de ceux qui l’écoutaient ou le regardaient. Il ne négligeait rien pour donner à son silence même une majesté qui le mît au-dessus des autres hommes. Il n’aimait pas la guerre pour la guerre, et ne demandait à l’épée de ses généraux que les triomphes qu’il ne pouvait obtenir par l’habileté de ses négociateurs. Il n’avait qu’une seule passion, la passion de la puissance. On ne trouve pas dans toute sa vie la trace d’une passion rivale. Ses maîtresses n’ont jamais été pour lui qu’une pure distraction, encore mesurait-il le temps qu’il leur abandonnait. Il aimait la magnificence, mais il l’aimait surtout pour éblouir, pour étonner, pour marquer sa supériorité, et personne ne l’a jamais vu ébloui lui-même de la splendeur de ses fêtes.

Ainsi tout faisait de Charles-Quint l’adversaire le plus redoutable de François Ier. N’ayant aucun des vices de Henri VIII, il suivait patiemment les projets qu’il avait conçus, et ne s’en laissait détourner ni par les plaisirs qui s’offraient à lui, ni par les obstacles qu’il rencontrait sur sa route.

C’est avec les trois personnages que je viens d’esquisser que M. Scribe et M. Legouvé ont voulu construire une comédie. Ils ont cru qu’en mettant aux prises la duchesse d’Alençon et Charles-Quint, ils trouveraient moyen de nous égayer. Le titre même qu’ils ont donné à leur ouvrage indique assez clairement qu’ils n’ont pas entendu respecter l’histoire, et sans doute ils attachent peu d’importance aux événemens accomplis sous le règne de François Ier.

Cependant, tout en reconnaissant le mérite de leur franchise, je crois devoir protester contre l’usage qu’ils ont fait des noms historiques. Demander au traité de Madrid le sujet d’une comédie pouvait à bon droit passer pour une tentative singulière. Il n’y a certes pas dans ce déplorable traité le plus petit mot pour rire. Ce projet paradoxal n’a pourtant pas suffi à l’imagination de MM. Scribe et Legouvé. Pour ne laisser aucun doute dans l’esprit de l’auditoire, pour montrer nettement toute la hardiesse de leur pensée, ils ont appelé le traité de Madrid la revanche de Pavie. Je ne crois pas qu’il soit possible de porter plus loin le mépris de l’histoire. Je cherche dans le règne entier de François Ier la revanche de Pavie, et je trouve à grand’peine une bataille