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propre volonté, le roi n’était plus qu’un prisonnier rachetable à prix d’argent ; il ne restait plus qu’à débattre le chiffre de la rançon ; mais il ne paraît pas que cette résolution, si peu d’accord avec le caractère habituel de François Ier, ait été autre chose qu’une pensée passagère. Charles-Quint, lorsqu’il l’apprit par une indiscrétion peut-être calculée, ne s’en effraya pas, et la traita de comédie ; l’événement a prouvé qu’il avait raison. Abdiquer, en effet, c’était se sacrifier à la France, et François Ier s’estimait trop haut pour renoncer au pouvoir suprême dans l’intérêt de son pays. Charles-Quint a donc bien fait de ne pas s’alarmer. On aura beau dire que le traité de Madrid était inexécutable : la protestation, signée par François 1er avant le traité même en présence des ambassadeurs de Louise de Savoie, ne justifie pas la déloyauté du prisonnier. Promettre au vainqueur une des plus riches provinces de France, et donner en otage ses deux fils aînés, est et sera toujours aux yeux de tous les esprits droits une triste manière de recouvrer sa liberté.

Parlerai-je de la générosité de François Ier ? Oui, sans doute, il avait le goût, la passion de la magnificence ; mais sa générosité n’était pas sans bornes, comme on se plaît à le dire. À son retour en France, après le traité de Madrid, quand il choisit une nouvelle maîtresse parmi les filles d’honneur de Louise de Savoie, quand il jeta les yeux sur Anne de Pisseleu, il voulut la combler de présens sans bourse délier, et ne trouva rien de mieux que d’envoyer redemander à la comtesse de Chateaubriand les bijoux qu’il lui avait donnés. Françoise de Foix fit semblant de se faire prier, et au bout de quelques jours lui renvoya en lingots tout ce qu’elle avait reçu de lui. C’était se montrer tout à la fois fière et désintéressée. Elle ne voulait pas abandonner à une autre femme ces gages d’une tendresse si vite oubliée, et donnait à son amant une leçon de délicatesse. Il est douteux pourtant que François Ier l’ait comprise. Un roi capable d’adresser une pareille demande à la maîtresse qu’il quitte n’est guère fait pour s’incliner devant cette dédaigneuse réponse. Une telle générosité devait inquiéter la future duchesse d’Étampes.

Charles-Quint semblait né pour gouverner. Élevé par deux hommes habiles, M. de Chièvres et Adrien d’Utrecht, il connut de bonne heure l’art de mettre à profit les défauts de ses adversaires et de les vaincre sans courir au-devant du danger. Roi d’Espagne à seize ans, empereur d’Allemagne à dix-neuf ans, il eut sans effort la gravité qui convenait à son rôle. Les admirateurs de François Ier ont reproché à Charles-Quint d’avoir paru trop rarement sur les champs de bataille : un tel reproche n’a pas besoin d’être réfuté. Il n’est permis qu’aux esprits étourdis de confondre les devoirs d’un roi avec les devoirs d’un soldat. Toutes les fois que Charles-Quint a jugé utile de payer de sa personne,