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perdus pour les lettres ? Parmi ces précieux recueils, il se trouvait un ouvrage, fruit de trente années de soins, de recherches et de travail cent vingt volumes in-folio contenant la plus belle collection de portraits gravés qui existât au monde. Un puissant intérêt historique s’attachait à cette collection : elle avait été formée par Louis-Philippe lui-même à travers les vicissitudes de ses fortunes diverses, comme une pensée anticipée des galeries de Versailles. La même pensée avait présidé à la création d’une autre collection non moins riche : à côté de 1,073 médailles antiques de quatre-vingt-trois peuples ou villes, Louis-Philippe avait placé les médailliers complets des règnes de Louis XIV, de Louis XV, de Louis XVI, de Louis XVIII, de Charles X et de Napoléon. Les manuscrits et les livres furent anéantis ou maculés par la brutalité des envahisseurs ; les médailles en or, en argent et en bronze devinrent la proie de la rapacité plus intelligente de leurs complices. En quelques instans, tout avait disparu.

Les hordes qui avaient pénétré dans le palais de Neuilly ne s’arrêtèrent même pas devant le cabinet de la reine, devant ce sanctuaire de la prière et de la charité, où l’épouse et la mère avait disposé sous quarante-sept cadres la couronne décernée à Vendôme au courage et à l’humanité de l’ancien duc de Chartres, et les prix obtenus par ses fils au collège Henri IV ! Un cri a retenti, je le sais : « Respectez la reine ! » mais ce vain bruit se perdit dans la tempête ; les pieux souvenirs ont péri pour toujours !

Dois-je enfin, après l’immense destruction d’un seul jour, montrer la tyrannie officielle et les profanations organisées du lendemain ?

Non, étouffons les ressentimens ; inclinons-nous devant le pardon qui sort d’une tombe. Le roi lui-même, au milieu d’un exil chaque jour plus douloureux, ne trouvait dans son cœur que des vœux pour la France. Au mois de mai 1849, il écrivait dans l’un de ses codicilles : « Fasse le ciel que la lumière de la vérité vienne enfin éclairer mon pays sur ses véritables intérêts, dissiper les illusions qui ont tant de fois trompé son attente, en le conduisant à un résultat opposé à celui qu’il voulait atteindre ! Puisse-t-elle le ramener dans ces voies d’équité, de sagesse, de morale publique et de respect de tous les droits, qui peuvent seules donner à son gouvernement la force nécessaire pour comprimer les passions hostiles, et rétablir la confiance par la garantie de sa stabilité ! Tel a toujours été le plus cher de mes voeux, et les malheurs que j’éprouve avec toute ma famille ne font que le rendre plus fervent dans nos coeurs. »

Lorsqu’un vieillard auguste fait entendre de telles paroles devant Dieu même, lorsqu’en regard de cette vie si clémente et si patriotique, on évoque le souvenir des trois exils de Louis-Philippe, des