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que Louis-Philippe aurait voulu proscrire ; mais l’application du moins en était subordonnée à la conscience désormais plus libre des jurés ; le roi surtout se réservait de la restreindre encore par l’intervention active et personnelle de sa prérogative. Celle-là, celle du droit de grace, lui était plus chère que toutes les autres, auxquelles cependant on ne l’a jamais accusé de faillir : il n’en est pas une seule qu’il ait mieux étudiée, plus souvent pratiquée, et qu’il ait entourée de plus solides garanties.

En même temps que la réforme du Code pénal pour adoucir les rigueurs judiciaires, Louis-Philippe voulut la réforme du droit de grace pour reculer les bornes de la clémence. Celle-ci appartient tout entière à sa volonté personnelle. Le droit de grace, tel que le roi le recueillit en montant sur le trône, n’avait ni l’autorité d’une application habituelle, ni la puissance de l’initiative. Hors quelques occasions rares et solennelles qui pouvaient donner lieu à des amnisties, le droit de grace, avant 1830, sommeillait quand il n’était pas invoqué ; il attendait toujours la prière du condamné avant de tendre une main secourable au repentir. Le roi Louis-Philippe en fit un droit actif, spontané, toujours présent dans ses conseils, plus fort même que l’inflexibilité du condamné, s’il eût voulu mourir ou perpétuer sa peine, Tout arrêt prononçant la peine capitale devait être soumis aux lumières de la conscience royale, éclairée par le plus scrupuleux examen. Aucune juridiction n’était soustraite à cette règle généreuse, qui s’appliquait à la France africaine et coloniale aussi bien qu’au continent. De plus, tous les ans à deux époques, en février et en juin, les procureurs-généraux devaient envoyer à la chancellerie un travail sur les condamnés qu’ils jugeaient dignes de pardon. Le roi trouvait ainsi l’occasion régulière d’exercer sa clémence le 1er mai et le 9 août de chaque année.

Pour les peines capitales, le roi se faisait remettre par le garde des sceaux l’exposé des faits de la cause, la délibération du jury, l’avis du président des assises, l’avis du procureur-général et enfin celui du ministre de la justice. Si l’arrêt avait été rendu par un conseil de guerre ou par une cour coloniale, le rapport devait contenir en outre l’opinion du ministre de la guerre ou du ministre de la marine. L’examen fait par le roi de chacune de ces affaires était ainsi préparé par tous les éclaircissemens nécessaires et entouré de toutes les garanties désirables. Il n’est pas arrivé une seule fois, en dix-huit années, que le roi ait fait attendre vingt-quatre heures au garde des sceaux un dossier contenant un avis favorable à la grace ; il n’est pas un rapport proposant l’exécution d’une peine prononcée qui n’ait été lu, relu et discuté par lui. Quand Louis-Philippe, voulant faire grace, trouvait