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budget des arts, des lettres et de l’industrie à la somme de 1,500,000 fr. La république du 24 février prête ici une haute éloquence aux chiffres de la monarchie.


II. – LOUIS-PHILIPPE DANS LES DEPENSES DE SA MAISON, DANS SES RAPPORTS AVEC QUELQUES PRINCES ETRANGERS ET AVEC L’ETAT. – DERNIERE REFUTATION DE LA CALOMNIE PAR LES CHIFFRES.

La sollicitude du roi Louis-Philippe ne s’exerçait pas seulement dans le cercle des institutions groupées par la loi autour du trône. Ce cercle était trop étroit pour lui ; il se plaisait à le franchir et à étendre bien au-delà les effets d’une généreuse bienveillance. L’art dramatique et l’art musical, intimement liés à la prospérité des lettres et à la gloire du pays, trouvèrent toujours en Louis-Philippe un protecteur éclairé.

Le roi, menacé par le fanatisme révolutionnaire dès les premières années de son avènement, dut faire violence à ses goûts et renoncer à ses anciennes habitudes. La prudence de ses ministres lui imposa cette dure nécessité ; il ne l’accepta qu’à la longue et avec la plus vive répugnance. Les loges qu’il avait dans tous les théâtres royaux étaient une largesse presque gratuite ; il ne lui était plus permis de se mêler comme autrefois à la foule dans les représentations publiques. Il prit alors le parti d’appeler les théâtres à lui, et dans cette pensée il fit restaurer à grands frais les salles de spectacle des Tuileries, de Saint-Cloud, de Versailles, de Trianon et de Compiègne. De 1833 à 1847, il dépensa plus de 658,000 fr. pour faire représenter successivement sous ses yeux les chefs-d’œuvre de l’art dramatique ou musical. Louis-Philippe admirait Corneille et Racine ; il avait protégé les premiers essais de Casimir Delavigne : fidèle aux traditions littéraires du grand siècle, il était de la résistance dans les lettres comme dans la politique ; ami de l’ordre et du bon sens, il repoussait instinctivement la muse échevelée, dont la licence, s’étalant en plein théâtre, a si fatalement préparé les voies à la démagogie. Le Théâtre-Français avait surtout ses préférences. C’était celui qu’il appelait le plus souvent aux Tuileries ou à Saint-Cloud, et sur lequel il a constamment étendu sa protection la plus efficace. La Comédie-Française avait beaucoup de dettes, mais heureusement pour elle Louis-Philippe était son principal créancier. Pendant son règne, il lui a successivement remis pour 324,000 fr. de loyers ; il y a bien peu de temps encore, du fond de son exil, le roi presque mourant faisait au Théâtre de la République une nouvelle remise de 124,000 fr.

Louis-Philippe appelait souvent aussi la musique à figurer dans ses fêtes. C’était le délassement favori de son intimité. Tantôt de grands concerts, dirigés par Paër et plus tard par M. Auber, offraient, aux