Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/481

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mi-côte sur la droite, au pied de Santa-Cruz, nid d’aigle bâti au sommet d’une crête aride, dominant la ville et les campagnes. Sous le feu des batteries de Saint-Grégoire, les maisons de la ville serpentent aux flancs de la colline, et viennent s’arrêter aux murailles du Château-Neuf, vaste construction élevée en face de Saint-Grégoire par les soldats de Philippe V. À l’est, sur cette ligne de falaises au pied desquelles se brise la mer, le regard découvre la mosquée, demeure des chasseurs d’Afrique, bâtie de leurs mains il y a dix ans ; plus loin, sur le rivage opposé à Merz-el-Kebir, les pentes dénudées de la montagne des Lions, et, à l’horizon, les roches du cap de Fer. Sur toutes ces collines, sur toutes ces montagnes, pas un arbrisseau. À l’entrée du ravin d’Oran, on apercevait cependant un peu de verdure que l’angle de la montagne de Santa-Cruz laissait entrevoir à peine. Un frais village aux maisons blanchies se détachait aussi du milieu des jardins, au pied de la montagne des Lions, sur le bord de la mer, et une molle vapeur adoucissait les contours aigus de ces terres dont la brise nous apportait les parfums.

Appuyés avec nos compagnons de route sur le bastingage, nous contemplions ce panorama enchanteur. Les cris des Maltais se disputant les bagages des passagers nous rappelèrent bientôt à la réalité, mais, fort heureusement, nous n’avions pas à nous préoccuper des ennuis d’un débarquement ; le canot du commandant du port venait d’accoster le Charlemagne pour se mettre aux ordres du gouverneur militaire de la province, que l’on croyait à bord. Officiers d’ordonnance du général de Lamoricière, qui était passé par Alger afin de recevoir les instructions du maréchal Bugeaud, nous profitâmes de son canot, et quelques coups d’aviron suffirent aux vigoureux matelots qui le montaient pour nous faire aborder.

Une heure et demie sépare Merz-et-Kebir d’Oran ; au temps des Espagnols et durant les premières années de notre occupation, on suivait, pour se rendre à la ville, un sentier étroit qui, montant par des pentes constantes, traversait le fort Saint-Grégoire à quatre cents pieds au-dessus des maisons d’Oran. À chaque moment, que le cheval bronchât, que la mule buttât, et l’on courait risque d’être précipité dans la mer : tous ces dangers n’existent plus maintenant. Les soldats de la garnison d’Oran, quittant le fusil au retour d’une expédition, prirent la pelle et la pioche, et, sous la direction des officiers du génie, ils taillèrent dans le flanc de la montagne, une route large et commode où notre char-à-bancs, sans s’inquiéter des bourriquots et des piétons ; luttait de vitesse avec cent carrioles accourues pour transporter les nombreux passagers au coup de canon qui avait signalé le courrier de France. Les deux criquets, que leur maigreur rendait plus rapides encore, nous eurent bientôt amenés au Château-Neuf. C’était là que nous devions