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renoncer à leurs salaires et à leurs places, et de fonder une église indépendante, semblable à celles qui existent en Angleterre, en Écosse et dans les États-Unis. Il fut aisé à ce propos d’égarer le bon sens d’un peuple dont une moitié était indifférente en matière religieuse, et dont l’autre tenait fortement à un passé où son église était intimement liée à l’état et dans une entière dépendance du pouvoir civil. Les réunions religieuses placées en dehors de l’église nationale furent troublées par d’odieuses violences. Au lieu de punir les coupables, le gouvernement interdit les réunions, prétendant qu’elles compromettaient l’ordre public. Tandis que la France républicaine proclamait la liberté religieuse, le conseil d’état du canton de Vaud publiait, le 28 mars 1848, tout un édit d’intolérance, se fondant sur les pleins pouvoirs que le grand-conseil lui avait conférés précédemment. Il défendait de nouveau les réunions religieuses, en menaçant les personnes qui y assisteraient de les faire traduire devant les tribunaux pour être punies conformément au code pénal ; les ministres démissionnaires et les autres personnes qui officieraient dans les réunions interdites encouraient en outre une peine qui équivalait au bannissement de la commune où ils étaient domiciliés, et ils devaient être transportés dans une autre commune qui leur serait désignée.

C’est ainsi que l’ultra-radicalisme a interprété et appliqué la liberté religieuse dans le canton de Vaud. Il faut cependant ajouter que son dernier décret est resté en partie lettre morte. Déjà précédemment l’opinion publique, y compris celle des radicaux modérés, s’était prononcée contre ces persécutions ; pour emporter la loi, le conseil d’état dut en faire une question de cabinet. Ne voulant pas s’exposer à être désavoué, le gouvernement l’a rarement appliquée. En général, la majorité compacte de 1845 est en dissolution, et l’on voit reparaître dans le pays de Vaud des élémens libéraux conservateurs qui gagnent du terrain.

En 1846, la république de Genève avait subi, par une révolution qui se fit aussi au cri d’à bas les jésuites, le triste sort du canton de Vaud : le seul résultat positif de ce mouvement a été de donner une dictature de fait à M. James Fazy, président du nouveau gouvernement. Sans se laisser aller à des persécutions personnelles comme celles que nous venons de signaler dans le canton de Vaud, M. Fazy n’en a pas travaillé moins ardemment à briser toutes les institutions antirévolutionnaires de Genève ; pour se maintenir, il a fomenté la jalousie entre la ville réformée de Genève et la population catholique du territoire annexé à la ville en 1815 ; il a pour point d’appui et corps de réserve un parti ultra-radical qui se recrute dans la population de la ville : il est le seul chef politique en Suisse qui n’ait tenu aucun compte de la position particulière de son pays vis-à-vis de l’Europe ; il a sans cesse