Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/414

Cette page a été validée par deux contributeurs.

marcher d’un pas si ferme au milieu des embarras d’une monarchie en train de se refondre, et dont chaque note devait faire reculer la vanité prussienne.

Les collaborateurs de M. de Schwarzenberg sont animés de son esprit. M. le comte Stadion, qu’une maladie douloureuse a éloigné du ministère, apportait dans les conseils de la couronne le secours d’une volonté calme et d’une intelligence exercée aux affaires. Il y a surtout un homme qui représente au sein du pouvoir la profonde transformation de l’Autriche : c’est un ancien avocat de Vienne, M. le docteur Alexandre Bach, ministre de l’intérieur. M. Bach est le premier ministre important qui soit sorti du tiers-état. Avec lui, la bourgeoisie fait son avènement, de même que la noblesse, avec M. le prince de Schwarzenberg, se plie aux affaires sérieuses et s’incline devant l’état nouveau. M. Bach avait trente-quatre ans à peine lorsque le ministère de la justice lui fut confié par l’administration Dobblohf et Hornbostl. C’était le libéralisme qui l’avait porté au pouvoir ; il sut s’y maintenir par l’ascendant du talent et l’éclat des services rendus. Quand tous ses amis furent renversés par leur faiblesse ou leurs accointances démagogiques, M. Bach, après la prise de Vienne, rentra dans le ministère Schwarzenberg. Comment un esprit laborieux, éclairé, sachant ne désirer que les choses possibles, ne serait-il pas injurié par les impatiens et les brouillons ? M. Bach fut accusé de trahison par ses anciens amis, par ceux-là même qui n’avaient rien pu, excepté pour le désordre, et qui auraient ramené le despotisme, si leur influence eût duré plus long-temps ; il avait renié la liberté, disait-on, parce qu’il avait travaillé sérieusement à l’asseoir, parce qu’il avait accompli des réformes durables, au lieu de bouleverser l’état et de ruiner le peuple. Les excellentes modifications opérées dans l’ordre judiciaire, les garanties d’indépendance accordées aux tribunaux, la séparation de l’administration et de la justice, toutes ces réformes si sérieuses, dont les démagogues ne se soucient guère, c’est M. Bach qui les a faites, sans bruit, sans fracas, avec la persévérance d’un esprit dévoué. Lorsque M. le comte Stadion s’est retiré des affaires, M. Alexandre Bach a pris sa place au ministère de l’intérieur, laissant à M. de Schmerling le soin de continuer son œuvre à la justice. Là, une nouvelle carrière s’ouvrait à son activité. La constitution du 4 mars 1849, préparée en grande partie par M. Stadion et M. Bach, promettait aux différentes parties de l’empire tout un ensemble de constitutions communales et provinciales. C’était la tâche du ministère tout entier, mais il était naturel que M. Bach y eût la plus grande part. Cette organisation de la monarchie autrichienne est le plus difficile, le plus hérissé de tous les problèmes que le jeune gouvernement constitutionnel pût être appelé à résoudre. Ce sera le principal titre du ministère Schwarzenberg