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riles fantaisies de son cerveau, mais avec les terribles apparitions de son temps. Or, s’il y a un devoir pressant à l’heure qu’il est, c’est de marcher vaillamment au milieu des systèmes, au milieu des mensonges de ce siècle troublé, et, comme le héros de Virgile au fond des enfers, d’écarter de l’épée tous les fantômes.

Cette résolution que nous révèlent dans les lettres l’ouvrage d’un publiciste dévoué naguère à l’ancien régime, les poésies militaires de deux écrivains occupés jadis de rêveries insouciantes, les inspirations mêmes du timide et affectueux Frédéric Halm ; cette résolution vigoureuse qui semble le caractère nouveau de l’Autriche, puisque nous l’avons trouvée partout, excepté chez le représentant attardé d’un parti qui n’est plus, elle éclate principalement chez les hommes qui ont reçu le dépôt de l’autorité après les événemens d’octobre 1848. Ce qui s’organise en ce moment dans l’empire autrichien, c’est quelque chose d’assez semblable à ce qu’était le gouvernement de 1830, c’est un pouvoir modéré, libéral, intelligent, et qui sera obligé de s’entendre avec les organes légaux de la nation. Après 1830, la lutte fut ardente entre te pouvoir et les agitateurs ; mais la haute sagesse d’un souverain éminent veillait alors aux destinées de la France, et la royauté avait trouvé presque aussitôt les ministres dont elle avait besoin. En Autriche au contraire, après le 13 mars 1848, il sembla que le pays était jeté au hasard dans le tourbillon révolutionnaire, jusqu’à ce que l’anarchie ramenât l’absolutisme. Heureusement ces craintes ne se réalisèrent pas. Le nouvel esprit de l’Autriche, cet esprit jeune, décidé, que les révolutions et les périls ont si promptement mûri, a suscité des représentans énergiques, lesquels, partis d’origines opposées et doués de qualités diverses, ont établi sur des bases durables le régime constitutionnel. Après les indécisions de M. de Kolowrath, après les faiblesses par trop naïves de M. de Pillersdorf, après les tentatives nécessairement impuissantes de MM. Dobblohf et Hornbostl, après tout ce tumulte enfin des six mois révolutionnaires, on a vu tout à coup paraître un ministère intelligent et résolu, le premier qui ait relevé en Autriche, je ne dis pas tel ou tel système, mais l’idée même de gouvernement. C’est M. le prince de Schwarzenberg qui est l’ame de ce ministère, c’est lui qui a eu l’honneur d’imprimer cette direction féconde à son pays.

M. le prince de Sçhwarzenberg est un caractère élevé, une intelligence droite. Il appartenait avant 1848 à ce parti qui ne prévoyait pas les catastrophes prochaines, mais qui, se redressant avec fierté sous le coup de la révolution, a osé regarder le péril en face. Il était attaché à M. de Metternich et avait représenté sa politique à la cour de Russie. Quand la révolution de mars 1848 eut dévoilé les vices de l’ancien ordre de choses et fait connaître les obligations de l’Autriche régénérée,