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d’oublier les luttes des factions, et s’efforça de guérir les plaies du passé.

Tandis que les groupes de la Suisse orientale et de la Suisse intérieure tendaient à se rallier aux principes du libéralisme conservateur, un tout autre exemple était donné par le canton de Fribourg, que nous avons montré comme formant la transition entre la Suisse occidentale, la Suisse intérieure et la Suisse romande. La diète avait oublié, après la chute du Sonderbund, qu’elle n’avait eu affaire qu’à des confédérés, qu’à des frères peut-être égarés, mais qui avaient à faire valoir tout autant de griefs que la majorité en avait contre eux. Le décembre 1847, elle avait décrété que les cantons du Sonderbund supporteraient tous les frais de la guerre, sous réserve de recours contre les coupables. Ce décret encouragea le parti ultra-radical de Fribourg, — maître de ce canton grace aux baïonnettes fédérales, bien qu’il fût en minorité dans la population, — à persévérer dans une funeste voie vers laquelle le poussaient déjà des désirs de vengeances personnelles. Ce parti foula dès-lors aux pieds tous les principes républicains, et il ne respecta pas davantage les plus simples notions de liberté et de droit. Les élections au nouveau grand-conseil eurent lieu sous la pression la plus scandaleuse ; le projet de constitution cantonale ne fut pas soumis à la votation du peuple sous un prétexte futile et en opposition avec le premier principe du droit public moderne de la Suisse. Il en fut de même de la constitution fédérale ; on fit dépendre la participation aux élections fédérales de la prestation d’un serment à ces deux constitutions, calcul habile pour exclure la majorité des électeurs. Toutes les protestations contre ces actes arbitraires furent étouffées par des arrestations arbitraires. C’est un des caractères les plus saillans du radicalisme de ne respecter aucun droit autre que le sien, de ne pouvoir supporter aucune existence indépendante de la sienne ; aussi le parti radical de Fribourg eut-il toute sorte de démêlés avec le clergé du canton. Au mois d’octobre 1848, le gouvernement de Fribourg somma l’évêque d’accepter sans restriction la constitution comme les lois du canton, et de soumettre à l’approbation préalable de l’état tout mandement adressé au clergé ou aux fidèles. L’évêque répondit qu’il ne pouvait obéir à, cette sommation que dans les points où la constitution et les lois ne lui imposaient que des devoirs civils compatibles avec sa conscience. Le gouvernement de Fribourg, après s’être entendu avec les gouvernemens radicaux des cantons de Vaud, de Genève et de Neuchâtel, sur lesquels s’étend le diocèse de l’évêque, fit enfermer celui-ci au château de Chillon. Ces gouvernemens signifièrent ensuite à l’évêque prisonnier qu’il n’exercerait plus les fonctions épiscopales dans son diocèse, et que le séjour lui en était interdit. Il répondit, le 10 décembre 1848, par ces mots : « On m’a arrêté, déporté, incarcéré, et on