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tions générales. Les événemens de 1848 n’ont que trop mis en lumière cette fausse situation de l’ancienne Autriche, et les aveux des hommes les plus favorables à ce système ont confirmé hautement les révélations des faits. J’ai sous les yeux un ouvrage fort instructif, la Genèse de la Révolution en Autriche, qui contient sur ce point de précieux renseignemens. L’auteur, qui n’a pas voulu se nommer, est-il, comme on l’assure, un des hommes d’état de l’ancien régime ? Si ce n’est un des ministres, c’est au moins un homme qui a coopéré long-temps à la gestion des affaires ; son livre est un plaidoyer pro domo suâ, une défense de l’administration antérieure au 13 mars 1848 ; le ton en est grave et triste, et des plaintes, des regrets, des confessions naïves viennent sans cesse donner au récit un intérêt inattendu. C’est l’auteur lui-même qui jette ce cri arraché par l’évidence : « Nous ne gouvernions pas, nous avions une administration intègre, nous n’avions pas l’impulsion première, la direction laborieuse et puissante qui devait imprimer le mouvement à l’état, qui devait prévoir les difficultés, résoudre les problèmes, suivre et gouverner les continuelles, transformations des choses. Les reproches que s’est attirés l’Autriche, ce n’est pas l’administration qui les mérite ; tout était bien dans les détails ; point d’injustice, point d’oppression d’aucune sorte, partout un scrupuleux respect de l’équité, partout aussi une surveillance minutieuse qui, remontant par les différens degrés de la hiérarchie jusqu’à l’empereur lui-même, rendait impossible la tyrannie des subalternes. Qu’est-ce donc qui nous a valu de trop légitimes accusations ? L’ensemble, la machine tout entière, machine compliquée, pesante, inhabile à se mouvoir. »

Tel est, dans les termes mêmes qu’emploie l’auteur, le résumé de ce curieux livre. Ne faut-il pas que la situation soit bien différente, et qu’une vive lumière se soit faite, pour que cette déclaration ait pu être si nettement formulée ? Les événemens d’ailleurs avaient parlé assez haut. Cette absence de gouvernement, cette impuissance absolue des hommes qui devaient donner la direction ne devint que trop manifeste dès les premières heures de la crise. Pendant cette inextricable confusion du 13 mars au 31 octobre 1848, pendant cette longue anarchie que trois révolutions successives rendent parfois plus violente, l’administration, réduite à elle-même, ne pouvait rien arrêter, et le gouvernement, bien qu’entre les mains d’hommes nouveaux, avait l’air d’un fantôme. Ce n’était pas comme chez nous, de février à juin, le gouvernement du hasard ; ce n’était rien. Il n’y a pas eu à Vienne de 16 avril, de 15 mai, de 24 juin ; on n’a pas vu la société, après la stupeur du premier désastre, se réveiller peu à peu et se défendre ; il n’y a eu qu’une série progressive de révolutions toujours victorieuses.

Au milieu de ces désordres inouis, les essais, les tâtonnemens, les