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bien prompte et bien rude, elle a été douce envers la mort, elle ne s’est point révoltée contre elle, et elle est partie sans amertume en bénissant ceux qu’elle laissait.

Elle laisse parmi ceux-là cette sainte mère dont elle était la digne fille, cette reine admirable dont toutes les douleurs ne surmontent pas encore la patience et la piété. Ces douleurs qui s’amoncellent ainsi comme pour défier sa constance viennent imprimer l’une après l’autre sur le front de la reine Amélie une majesté singulière. Cette princesse, dont l’humilité se dérobait presque à l’éclat de la couronne, est maintenant plus glorifiée par ses infortunes qu’elle ne l’eût jamais été par les splendeurs de son rang. C’est la seule personne qui de nos jours ait vraiment la grandeur d’une figure antique. On ne peut comparer cette désolation qu’aux illustres adversités célébrées par la poésie des ânes primitifs ; mais l’Hécube des poètes s’irritait de ses malheurs, et l’ame chrétienne de la moderne Hécube nous confond encore davantage par l’abnégation avec laquelle on la voit accepter les siens.

Le chagrin si amer qui a visité la demeure royale attriste la Belgique entière au moment où elle sortait des fêtes qui ont honoré le vingtième anniversaire de sa nationalité. Ces fêtes anniversaires de la révolution de septembre n’ont point eu le caractère banal qui déprécie généralement ailleurs des fêtes analogues. Nous n’y reviendrions cependant pas aujourd’hui, si elles ne s’étaient prolongées jusqu’au commencement de ce mois par les solennités de Bruges, qui n’ont été ni moins enthousiastes ni moins originales. Une fois que les cérémonies ont été terminées à Bruxelles, la vieille cité flamande a voulu recevoir à son tour le roi Léopold. Elle a ouvert une exposition d’agriculture et d’industrie qui rassemblait tous les produits du travail des populations rurales dans les deux Flandres ; elle a prié le roi de l’inaugurer. Ce n’était pas là une démonstration de complaisance ; c’était un juste hommage rendu dans la personne du chef de l’état au gouvernement dont la sollicitude travaille sans relâche à ranimer la vie de ces provinces, naguère si épuisées. On sait quelles anxiétés inspirait le sort des Flandres il y a quelques années. Les Flandres avaient dû leur fortune à l’industrie linière ; mais la concurrence de la filature mécanique, pratiquée en grand au dehors, avait tué le filage à la main. Les tissus de Bruges étaient en même temps tombés. Des innombrables métiers que. Bruges occupait au moyen-âge, des quinze cents qui battaient encore dans les dernières années du XVIIIe siècle, il n’en restait pas une centaine à la fin de 1847, et ils ne fabriquaient que des toiles grossières. Le ministère actuel a retiré ce pays du bord même de sa ruine par une impulsion vigoureuse ; en deux ans, il a créé dans la seule province de la Flandre occidentale trente-cinq ateliers d’apprentissage destinés à répandre les procédés nouveaux, et il a fait ainsi déjà mouvoir six cent cinquante métiers ; Bruges expose aujourd’hui des toiles qui sont la preuve d’une véritable renaissance.

Cette renaissance de l’industrie linière s’est communiquée naturellement à toutes les branches de travail ; et le peuple des campagnes a repris courage ; il est venu de tous les côtés apporter à Bruges les gages merveilleux de la fécondité d’un sol désormais cultivé avec plus de confiance et les signes incontestables d’une aisance croissante. Bruges avait organisé pour le 30 septembre un de ces cortéges à la fois comiques et pompeux qui amusent encore, tout