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et des meubles peut se dire avec une égale vérité de la description des vêtemens et du visage. Si l’ennui s’emparait du lecteur au temps de Molière et de Mme de Sévigné devant les festons et les astragales, il est bien difficile aujourd’hui de parcourir sans impatience les innombrables descriptions du masque humain qui remplissent les Nouvelles Confidences. Pour donner à ces tableaux quelque intérêt, il serait indispensable d’y jeter quelque variété, et M. de Lamartine ne paraît pas y songer un seul instant. Il débute par le superlatif, continue par le superlatif, et termine comme il a commencé. Qu’il parle de sa mère ou de ses sœurs, il n’a jamais sur les lèvres que des paroles d’admiration et d’extase. Toute sa famille forme un groupe de types irréprochables que Raphaël et Titien doivent se disputer.

Ce que M. de Lamartine raconte avec un accent de vérité incontestable, dans le premier livre de ces Nouvelles Confidences, c’est l’ennui qui le dévorait. Cet ennui pourtant nous attristerait bien davantage, s’il n’était pas encadré dans l’expression constante de la supériorité que l’auteur s’attribue sur toutes les personnes qui l’entourent. J’admire très sincèrement le génie lyrique de M. de Lamartine ; mais, sans vouloir lui conseiller une fausse modestie, je pense qu’il ferait bien, surtout lorsqu’il s’agit des premières années de son adolescence, de nous parler de lui-même avec plus de réserve et de sobriété : quelle que soit en effet la beauté des Méditations et des Harmonies, elle ne justifie pas les termes qu’il emploie en expliquant sa nature. Qu’une ville de province soit pour une ame poétique une source intarissable de dégoût, j’y consens. Cependant ce que M. de Lamartine dit de lui-même, le dédain qu’il professe pour toutes les figures qui passent devant lui me semble franchir la mesure de la justice. Lors même qu’il s’agirait de l’auteur applaudi des Méditations et des Harmonies, ce dédain se comprendrait à peine, car il y a partout pour les esprits attentifs de nombreux sujets d’étude ; et si les grandes intelligences ne se comptent pas par milliers, il y a toujours des enseignemens à recueillir dans la conversation des vieillards ; lorsqu’il s’agit d’un poète dont le génie n’est encore connu que de lui-même, que de lui seul, le dédain se conçoit encore plus difficilement.

Toutefois je ne veux pas donner à mes paroles un sens trop absolu. Il y a dans ce premier livre même quelques portraits tracés avec habileté. Les mille riens dont se compose la vie de province sont parfois peints avec des couleurs très vraies ; la vérité même de ces portraits, le plaisir que l’auteur prend à les multiplier, accusent de plus en plus la stérilité du sujet qu’il a choisi, ou plutôt l’absence réelle du thème qu’il s’obstine à traiter. Toutes ces figures, si nettement dessinées, qui révèlent chez le poète une si grande fidélité de souvenirs, ne sont pas le poète lui-même. Si du moins elles exerçaient une action décisive