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Si l’on donnait ce budget à faire aux véritables pontifes, à M. Louis Blanc, à M. Considérant ou à M. Pierre Leroux, ils le tailleraient sur un patron bien autrement large. Le gouvernement, converti en atelier national, en phalanstère ou en couvent du panthéisme, se chargerait de toutes les dépenses du pays, pour avoir le droit d’en percevoir tous les revenus. Alors le maniement des deniers publics prendrait des développemens sans bornes. Les dépenses, qui se comptent aujourd’hui par millions, se compteraient désormais par milliards. Le budget de ce temps-là serait, aux petits budgets de la monarchie et même aux budgets républicains, ce que devait être aux statues de Praxitèle et de Phidias le colosse fabuleux de Rhodes.

Quant au revenu public, ceux qui sont curieux d’apprendre ce qu’il deviendrait dans la république sociale n’ont qu’à consulter les livres des associations communistes, qui, après avoir donné le spectacle d’une existence non pas précisément laborieuse, mais très agitée et fort peu prospère, sont venues faire retentir les tribunaux des scandales de leur agonie. On peut compter sur les doigts celles qui n’ont pas suivi ! i chemin de l’escroquerie pour aboutir à la faillite. Tout gouvernement qui confisque la liberté humaine paralyse du même coup les forces productives de la société. Les financiers de la montagne auront beau multiplier les dépenses de l’état, ils n’augmenteront pas les recettes. Le déficit, cet accident déjà trop fréquent dans les budgets monarchiques, deviendra pour le budget socialiste un résultat permanent et en quelque sorte normal. Comment rétablir l’équilibre ? L’avènement du socialisme, envisagé par le côté des finances publiques, n’est pas autre chose que l’avènement du papier-monnaie.

On sait maintenant ce qu’il faut penser de ces fastueux programmes. Aux promesses du socialisme, nous préférons encore ses clameurs. Le socialisme brutal de ce temps-ci, tout comme le socialisme savant de 1831, échoue misérablement dès qu’il abandonne le terrain de la critique ; la période positive ou de doctrine ne viendra jamais pour lui. Il ne connaîtra jamais d’autre organisation que celle des sociétés secrètes ; il aura toujours le marteau de la démolition à la main, et sa bouche ne lancera que des provocations ou des blasphèmes. Félicitons-nous cependant des efforts qu’il fait aujourd’hui pour parler une langue qui n’est pas la sienne, et pour composer un embryon de budget. Ces efforts sont autant d’aveux devant lesquels il faut que toutes les illusions tombent. Le socialisme ne pourra plus se répandre en lamentations hypocrites sur l’énormité des dépenses publiques, lui qui, non content des 1,500 millions de 1851 et des 1,800 millions de 1848, veut porter le budget à 2 milliards. Le socialisme n’aura plus le droit de nous recommander l’économie, lui qui ajoute sans hésiter 100 millions aux charges annuelles de la dette, qui entreprend d’élever les