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avaient doublé ; mais, comme l’industrie et le commerce britanniques avaient pris simultanément un grand essor, la dépréciation des billets n’excédait pas alors 15 et demi pour 100. Quatre ans plus tard, en 1814, la circulation moyenne montait de 21 à 24 millions sterling, et la dépréciation des billets allait jusqu’à 39 pour 100. Un pas de plus, et le crédit de l’Angleterre était bouleversé de fond en comble.

En France et dans notre première révolution, le désordre monétaire ne s’est pas arrêté là. Les assignats, dès leur apparition en 1790, perdaient 5 pour 100 à l’échange. En 1796, ils ne conservaient plus que demi pour 100 de leur valeur nominale. Un assignat de 1,000 livres se donnait pour une paire de souliers. Il est vrai que la planche d’émission avait fonctionné sans intervalle jusqu’à répandre dans le pays pour 45 milliards de papier ; mais la fatalité de la situation le voulait ainsi : partout où le gouvernement aura la faculté d’émettre du papier-monnaie, l’émission et par contre la dépréciation des billets ne connaîtront pas de limites.


CONCLUSION.

En résumé, M. Pelletier ne nous a donné qu’une esquisse incomplète et timide de ce que serait le budget accommodé aux vues du socialisme. Il ne réalise pas la gratuité du crédit, et s’arrête sur le seuil de cette région des prodiges ; il ne pousse pas assez loin le monopole industriel et financier pour fonder, d’un bout à l’autre du territoire et dans les campagnes comme dans les villes, le règne du droit au travail ; enfin, après nous avoir menacés de raser le clocher du village et de remplacer partout, dans le symbole social, Dieu, par l’homme, il oublie de mettre en réserve le capital à l’aide duquel le nouveau gouvernement doit élever dans chaque commune un temple à l’incrédulité, au désordre et à la paresse l’hospice des invalides civils. Malgré toutes ces lacunes, quand on veut prendre les données de M. Pelletier au sérieux, on ne tarde pas à reconnaître que son budget des dépenses s’élèvera, dès le début et avant d’avoir reçu les accroissemens dont il nous menace, à quelque chose comme 2 milliards, tandis que son budget des recettes, en admettant que les socialistes consentent à payer des taxes, descendra infailliblement au-dessous de 1,500 millions. Ainsi, au lieu de pouvoir compter sur un excédant annuel de 100 millions pour réduire la dette publique, le Colbert de cette époque aura de prime abord, et pour mettre son génie à l’épreuve, un déficit d’un demi-milliard à couvrir.

Mais j’abuse, en vérité, de l’indulgence qu’il est de bon goût d’avoir pour ses adversaires, quand je m’en tiens, pour exposer le système financier du socialisme, aux combinaisons terre à terre de M. Pelletier.