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permît encore de recueillir des bénéfices considérables. Ces bénéfices lui tiendraient lieu des taxes qui sont aujourd’hui perçues. Ce serait donc un impôt, un impôt proportionnel au capital du contribuable, et par conséquent un impôt sur le capital.

L’impôt direct sur le revenu, l’income-tax a échoué en France devant la résistance de l’opinion publique, parce qu’il ne pouvait pas s’accommoder à nos mœurs, et parce qu’il menait à l’inquisition des fortunes. Une taxe établie directement sur le capital aurait les mêmes conséquences, et rencontrerait à coup sûr une égale répulsion. Je reconnais qu’il est plus facile, à certains égards, d’atteindre le capital que de pénétrer dans les mystères du revenu individuel. Cependant, si l’on veut étendre la taxe aux capitaux mobiliers, au commerce et à l’industrie, on viendra se heurter à des difficultés tout aussi peu solubles. Il faudra exiger la déclaration du contribuable et contrôler cette déclaration par les recherches du fisc, pour donner une base moins hypothétique à l’impôt. Le mécanisme tout entier de l’income tax se dressera devant nous, et l’on retombera dans l’odieux de la même procédure.

Il y a plus, l’impôt sur le capital serait à la fois un expédient barbare et une véritable iniquité. En principe comme en fait, le revenu de l’état représente la portion disponible du revenu de la nation, et chacun doit y contribuer dans la mesure de ses ressources. Or, on ne vit pas de son capital ; le capital ne produit qu’à l’aide du travail qui le met en valeur, et ce sont les produits du capital qui défraient l’existence de tous et de chacun, qui pourvoient aux dépenses annuelles. Celui qui mange son fonds, au lieu de le faire fructifier et de se contenter du croît, est considéré comme un prodigue qui marche à grands pas à sa ruine. Que dire d’un gouvernement qui lèverait un tribut sur le capital, sinon qu’il donnerait l’exemple de la prodigalité au lieu d’encourager l’économie et la prévoyance, et qu’il dissiperait, au risque d’en tarir promptement la source, les forces productives du pays ?

En proportionnant l’impôt au capital, on ne le mesure pas aux fa cuités du contribuable. On fait payer la même taxe à un capital qui produit 5 pour 100, à un capital qui produit 3 pour 100, et à un capital qui ne produit rien du tout ; les valeurs en maisons, qui n’ont qu’une existence limitée, les industries qui exigent un amortissement, sont, traitées comme les rentes sur l’état, qui ont le caractère de la perpétuité, et comme les fonds de terre, qui ne perdent rien de leur valeur, qui gagnent même par la culture. Cette égalité apparente a donc pour résultat de créer des privilèges. L’état donne ainsi une prime aux capitaux les plus productifs, au détriment des placemens les moins prospères, et c’est par le fait la richesse qui trouve grace devant lui.

On nous dit, il est vrai, que l’impôt sur le capital agit comme