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et sociale porte son budget, du premier mot, à 1,800 millions, et, si l’on veut bien tenir compte des lacunes que nous avons signalées dans ses calculs, on reconnaîtra que 2 milliards ne l’en tireraient pas. Cette progression est naturelle. La monarchie constitutionnelle pourrait passer pour un prodige de simplicité à côté du gouvernement que rêvent les amis de M. Pelletier. C’est peu pour eux de rendre la justice, de maintenir l’ordre, de présider à la gestion des intérêts communaux et départementaux, d’entretenir les voies de communication qui sont dans le domaine public, de lever les impôts et de fixer les tarifs, d’organiser et de commander la force publique ils font pénétrer l’administration jusque dans la sphère des intérêts individuels ; ils veulent que l’état exploite les chemins de fer et les mines, qu’il commandite les industries qu’il n’exploitera pas, qu’il soit banquier, et le banquier de tout le monde, qu’il donne l’instruction, le crédit et le travail, qu’il se charge du sort de tous et de chacun, enfin qu’il aille au-delà de la Providence, qui, en semant les biens sous nos pas, avait du moins laissé quelque chose à faire à la liberté humaine. Deux milliards pour mener de front d’aussi nombreuses et d’aussi vastes opérations, en vérité ce n’est pas trop ; si quelqu’un proposait de s’en charger à moins, je le trouverais bien fourbe ou bien hardi, et je conseillerais en tout cas de se défier de ses promesses.


II. – LES RECETTES.

La statistique s’est occupée de déterminer la somme d’impôts que paie chaque individu dans les diverses contrées de l’Europe. Elle nous enseigne que les contributions dont se forme le revenu public représentent, à l’heure qu’il est, 45 fr. 40 cent. par tête en Angleterre, 43 fr. 75 cent. en Toscane, 42 fr. 75 cent. en Hollande, 39 francs en France, 26 fr. 25 cent. en Belgique, 22 fr. 85 cent. en Espagne, 22 fr. 50 cent. en Danemarck. 19 fr. 70 cent. en Sardaigne, 15 fr. 45 cent. en Bavière, 13 fr. 35 cent. en Prusse, 10 fr. 50 cent. en Autriche et 6 fr. 40 cent, en Russie. Faut-il induire de là que les peuples les moins imposés sont aussi les mieux gouvernés et les plus heureux, que le gouvernement anglais, par exemple, doit être placé au bas de l’échelle et que le gouvernement russe mérite d’en occuper le sommet ?

La charge de l’impôt est relative. La même contribution, qui paraîtra légère à un peuple riche, peut écraser un peuple comparativement indigent. Les Belges ne sont guère plus taxés que les Espagnols. Qui oserait cependant mettre la richesse actuelle de l’Espagne en parallèle avec celle de la Belgique ? Le peuple russe, dans un pays où la population est clair-semée et où l’industrie ne fait que de naître, supporterait difficilement un impôt plus élevé que les taxes modiques auxquelles