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maison déserte, fermèrent leur porte, pauvre obstacle pour qui eût voulu profiter de leur abandon, et, se mettant à genoux, prièrent pour le Vendéen.

Des jours d’angoisse et de douleur succédèrent à ce moment cruel. Combien de fois la pauvre mère, l’oreille tendue et le cœur palpitant, n’écouta-t-elle pas si le son lointain de la fusillade se mêlait au bruissement des feuilles agitées par le vent ! Combien de fois la vieille porte, en gémissant sous l’effort de la bise, le chien en aboyant, le houx sonore en agitant ses branches quand l’oiseau y venait nicher, ne firent-ils pas bondir son cœur d’une sourde espérance ! Puis, quand tout se taisait, quand son esprit et ses sens, affaiblis par une longue attente, avaient pu reconnaître enfin un des bruits familiers à sa vie, quand elle s’était convaincue, hélas ! que rien ne venait troubler son chagrin monotone, elle se mettait à prier, calmant son ame par l’ardeur de ses supplications, ou l’engourdissant par la répétition des mêmes mots, qui tombaient de ses lèvres en sanctifiant sa rêverie. Le jeune Vendéen revint pourtant ; il revint un jour, fier, heureux, ayant traversé les dangers sans crainte et sans malheur. Sa mère le reçut dans ses bras, le regarda avec ivresse, et remercia le ciel. Jean raconta les combats auxquels il avait assisté, cette guerre d’embuscades et de surprises où chaque homme joue un rôle, et qui tient l’auditeur comme l’acteur dans une émotion continuelle. La mère suivait des yeux et du cœur chaque geste, chaque mot de son fils. Elle tremblait parfois, elle s’enorgueillissait toujours ; elle regardait la noble figure de son enfant bien-aimé, pendant qu’il parlait avec animation et que les flammes rougeâtres du foyer l’éclairaient de leurs ondoiemens brillans ou l’obscurcissaient de leurs sombres reflets, prêtant ainsi une nouvelle beauté à ses nobles traits et une nouvelle ardeur à ses yeux noirs. M. de Charette l’avait distingué, car Jean, désireux de faire oublier son arrivée tardive, avait combattu en brave. Le général donc l’avait remarqué ; il lui avait mis la main sur l’épaule, en disant « que les gars de Paulx[1] se reconnaissaient toujours, et que le nouveau venu ne leur ferait pas honte. » Et pendant que Jean racontait cela à voix basse, le cœur gonflé et la voix émue, l’ame de Renée s’enflammait de fierté et de joie, sa respiration devenait bruyante, son cœur battait irrégulièrement, et ses yeux brillaient comme ceux de son fils. Marie éprouvait plus de crainte et moins d’orgueil. Son imagination s’effrayait devant la peinture forte et sans ménagemens des souffrances des blessés, de l’ardeur du combat, de la cruauté des représailles. Elle frémissait, soupirait et plongeait son visage dans ses deux mains pour ne pas voir le feu sanglant des regards de son frère et pour bannir les horribles

  1. Petite commune près de Machecoul.