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LA JAGUERRE.





Machecoul est une vieille petite ville située au milieu d’une vaste plaine. Des restes d’anciennes fortifications, les ruines d’un vieux château, habité, dit-on, par Gilles de Retz, et les traditions historiques du pays prouvent qu’elle eut autrefois une certaine importance ; mais sa gloire n’est plus qu’un souvenir, et probablement ses rues paisibles ont vu pour la dernière fois, pendant la guerre de la Vendée, le sang les souiller et le bruit du combat réveiller leurs pacifiques échos. L’aspect du pays qui entoure la ville est profondément triste. Les genêts y couvrent en grande partie le sol, et l’œil se fatigue à suivre jusqu’à l’horizon cette plaine à peine ondulée. Cependant la terre est fertile dans ce canton de la Bretagne ; les légumes de Machecoul sont renommés à Nantes, et les paysans peuvent, comme ils le disent dans leur langage triste et expressif à la fois, « manger du pain en travaillant. » Cette phrase douloureuse indique parfaitement la position de la masse des cultivateurs. Il arrive trop souvent que la nécessité de pourvoir aux besoins de chaque jour absorbe leurs pensées et étouffe leur intelligence. Cependant c’est une noble race que celle du paysan breton, et lorsque le poids de la pauvreté sous laquelle il s’incline ne s’appesantit pas trop lourdement sur lui, lorsque, débarrassé des préoccupations d’un travail incessant, il peut en liberté manifester ses instincts, on voit sa rude nature et ses passions généreuses se développer avec une naïveté sauvage qui frappe et émeut à la fois.