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l’air, ces ailes transmettaient à l’axe une impulsion dans le sens de sa longueur, impulsion qui devait être la cause du mouvement de translation imprimé au ballon. L’équipage était employé à faire tourner rapidement l’axe et les ailes de ce moulin à vent. Meunier avait calculé qu’en employant toutes les forces des passagers, il ne pourrait communiquer au ballon tout au plus que la vitesse d’une lieue par heure. Cette vitesse suffisait cependant au but qu’il se proposait, c’est-à-dire pour trouver le courant d’air favorable auquel il devait ensuite abandonner sa machine.

Voilà en quelques mots les principes sur lesquels le savant géomètre croyait devoir fonder la pratique de la navigation aérienne. Son projet de lester les ballons avec de l’air comprimé mériterait d’être soumis à l’expérience ; mais on voit que la navigation aérienne, même exécutée dans ces conditions, ne répondrait que bien imparfaitement aux espérances de ceux qui voudraient en remettre la conduite à l’unique force de la volonté humaine.

C’est à l’oubli des principes posés par Meunier qu’il faut attribuer la direction vicieuse qu’ont prise après lui les recherches concernant la marche des ballons. En s’écartant de ces sages et prudentes prémisses, en voulant lutter directement contre les courans atmosphériques, en essayant de construire avec nos moteurs habituels divers systèmes mécaniques capables de vaincre la résistance de l’air, on n’a abouti, comme il était facile de le prévoir, qu’aux échecs les plus déplorables. C’est ce qui arriva en 1801 à un certain Calais, qui fit au jardin Marbeuf une expérience aussi ridicule que malheureuse sur la direction des ballons. En 1812, un honnête horloger de Vienne, nommé Jacob Degen, échoua tout aussi tristement à Paris. Il réglait la marche du temps, il crut pouvoir asservir l’espace, et se mit à imaginer divers ressorts qui, appliqués aux ailes d’un ballon, devaient triompher de la résistance de l’air. Le système qu’il employait était une sorte de combinaison du cerf-volant avec l’aérostat. Un plan incliné, qui se porterait à droite ou à gauche au moyen d’un gouvernail, devait offrir à l’air une résistance et à l’aéronaute un centre d’action. L’expérience tentée au Champ-de-Mars trompa complètement l’espérance de l’horloger viennois ; le pauvre aéronaute fut battu par la populace, qui mit sa machine en pièces.

En 1816, Pauly de Genève, l’inventeur du fusil à piston, voulut établir à Londres des transports aériens. Il construisit un ballon colossal en forme de baleine, dont le volume n’était guère moindre de celui de ce cétacé. Il n’eut aucune espèce de succès. Le baron Scott avait également proposé, vers la même époque, un immense aérostat représentant une sorte de poisson aérien muni de sa vessie natatoire articulée et mobile, et qui devait offrir par sa marche dans l’air l’image