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s’en acquittait avec autant de talent que de zèle. L’ascension qui eut lieu à l’époque du couronnement de Napoléon est restée justement célèbre ; le gouvernement mit 30,000 francs à la disposition de Garnerin pour lancer, après les réjouissances de la journée, un aérostat d’une dimension colossale. Le 16 décembre 1804, à onze heures du soir, au moment où un superbe feu d’artifice venait de jeter dans les airs ses dernières fusées, le ballon construit par Garnerin s’éleva de la place Notre-Dame. Trois mille verres de couleurs illuminaient ce globe immense ; il était surmonté d’une couronne impériale richement dorée, et portait tracée en lettres d’or sur sa circonférence cette inscription Paris, 25 frimaire an XIII, couronnement de l’empereur Napoléon par sa sainteté Pie VII. La colossale machine monta rapidement et disparut bientôt, au bruit des applaudissemens de la population parisienne. Le lendemain, à la pointe du jour, quelques habitans de Rome aperçurent un petit globe lumineux brillant dans le ciel au-dessus de la coupole de Saint-Pierre et du Vatican. D’abord très peu visible, il grandit rapidement et laissa apercevoir enfin un globe radieux planant majestueusement au-dessus de la ville éternelle. Il resta quelque temps stationnaire, puis il s’éloigna dans la direction du sud. C’était le ballon lancé la veille du parvis Notre-Dame. Par le plus extraordinaire des hasards, le vent, qui soufflait cette nuit dans la direction de l’Italie, l’avait porté à Rome dans l’intervalle de quelques heures. Le ballon continua sa route dans la campagne romaine. Cependant il s’abaissa bientôt, toucha le sol, remonta, retomba pour se relever une dernière fois, et vint s’abattre enfin dans les eaux du lac Bracciano. On s’empressa de retirer la machine à demi submergée des eaux du lac, et l’on put y lire cette inscription : Paris, 25 frimaire an XIII, couronnement de l’empereur Napoléon par sa sainteté Pie VII. Ainsi le messager céleste avait visité dans le même jour les deux capitales du monde. Il venait annoncer à Rome le couronnement de l’empereur au moment où le pape était à Paris, au moment où Napoléon s’apprêtait à poser sur sa tête la couronne de l’Italie. Une autre circonstance vint ajouter encore au merveilleux de cet événement. Le ballon, en touchant la terre dans la campagne de Rome, s’était accroché aux restes d’un antique monument. Pendant quelques minutes, il parut devoir terminer là sa route ; mais, le vent l’ayant soulevé, il se dégagea et remonta, laissant seulement accrochée à l’un des angles du monument une partie de la couronne impériale. Ce monument était le tombeau de Néron. On devine sans peine que ce dernier fait donna lieu, en France et en Italie, à toute espèce de réflexions et de commentaires. On ne se fit pas scrupule d’établir des rapprochemens et de faire des allusions sans fin à propos de cette couronne impériale qui était venue se briser sur le tombeau d’un tyran. Tous ces bruits vinrent aux oreilles de Napoléon,